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samedi 28 novembre 2009

Violations des droits humains et culture d’impunité au Burundi

Au Burundi, un des gardes d’un gouverneur provincial a violemment frappé un homme, au début du mois de novembre, au cours d’une dispute sur des questions de terrain et de propriété. L’homme est mort après quelques jours d’hospitalisation. L’affaire a été largement relayée par les médias burundais, et des organisations de défense des droits humains ont condamné l’incident et appelé à ce que des poursuites judiciaires soient engagées à l’encontre de l’auteur des violences.
Le garde a depuis été arrêté, mais les activistes des droits humains disent que cela n’est pas suffisant, et ont appelé à ce que de nouvelles enquêtes soient menées sur le rôle du gouverneur dans l’incident.

« Il s’agit d’un cas de violation des droits humains parmi d’autres, et ces affaires donnent souvent lieu à très peu, voire à aucune action de la part des autorités », a dit à IRIN un activiste des droits humains, sous couvert d’anonymat.

S’inquiétant du nombre croissant d’assassinats politiques et de violences entre adversaires politiques, les organisations et activistes des droits humains ont appelé le gouvernement et la communauté internationale à veiller à ce que les responsables soient poursuivis.

« C’est un fait que plusieurs partis politiques mobilisent des anciens combattants démobilisés pour commettre des violences politiques, et il est probable que nous assisterons à une augmentation de la violence à l’approche des élections [prévues pour 2010] », a dit l’activiste. « Cependant, ces partis savent qu’ils doivent être prudents, donc nous ne nous attendons pas à des massacres ni à des assassinats de personnes de haut rang, mais il est probable que les incidents impliquant des personnes de rang [moins élevé], à des niveaux locaux, continueront. »

René-Claude Niyonkuru, consultant spécialisé en conflits fonciers et droits humains, qui est également président d’une association de promotion des droits humains au Burundi, a dit à IRIN que le pays avait des problèmes de droits humains à trois niveaux : au niveau communautaire, au niveau intermédiaire – le service civil et l’administration publique – et au niveau supérieur – les hauts responsables du gouvernement.

« Si on analyse les tendances générales, la plupart des violations des droits humains au niveau communautaire sont liées à l’absence d’une culture de responsabilité », a dit M. Niyonkuru. « Un responsable communal peut arbitrairement mettre quelqu’un en prison pour des mois alors qu’il sait que ce qu’il fait est mal ».

Un jeu de chaises musicales incessant au niveau des hauts responsables du gouvernement n’a pas contribué à améliorer la situation.

« Depuis 2005, date à laquelle le parti dirigeant a pris le pouvoir, nous avons eu sept remaniements ministériels ; chacun arrive avec ses politiques et son agenda, et peu après, ils ne sont plus là – c’est un problème majeur, car ils n’ont pas assez de temps pour mettre en place leurs politiques, et souvent, les droits humains sont la dernière de leurs préoccupations », a-t-il dit. « Les ministres et les députés manquent d’esprit d’équipe, et comme l’engagement à long terme est également absent, les droits continueront à être violés ».

Stratégie de changement


Photo: Jane Some/IRIN

Le nombre de cas de violations des droits humains a diminué depuis que les FNL se sont transformées, cette année, en un parti politique, a dit Pierre-Claver Mbonimpa

D’après M. Niyonkuru, le pays doit changer sa stratégie en investissant davantage dans des programmes de protection des droits humains à long terme.
« Nous devons investir dans l’éducation aux droits humains dès l’école primaire et secondaire, et même au niveau universitaire ; nous devons créer une culture dans laquelle l’appréciation des droits humains soit différente », a-t-il dit. « Nous devons également mettre en place une éducation aux droits humains au niveau communautaire, de façon à ce que tous les Burundais puissent apprendre à défendre leurs droits ».

Pierre-Claver Mbonimpa, président fondateur de l’Association burundaise pour la protection des droits humains et des personnes détenues, a dit que bien que le nombre de cas de violations des droits humains ait diminué depuis que les FNL (Forces nationales de libération) – l’ancien mouvement rebelle – se sont transformées cette année en parti politique, des violations sporadiques des droits continuaient à avoir lieu à travers le pays.

« Ce qui est intéressant, c’est que la violence basée sur le genre a également diminué ; le nombre de cas de torture a aussi baissé, d’après nos statistiques », a dit M. Mbonimpa. « Cependant, d’autres violations ont persisté à cause de l’impunité. Dans certains cas, la justice n’a pas puni certains auteurs des exactions parce que des autorités étaient impliquées dans les crimes ».

M. Mbonimpa a mis en avant les conditions de détention dans les prisons, qui sont selon lui particulièrement inquiétantes : 12 000 détenus vivent dans des installations conçues pour accueillir 4 000 personnes.

« Dans certains de ces établissements, la situation est catastrophique ; il arrive que des prisonniers dorment dehors, même lorsqu’il pleut ; parfois ils tentent de s’évader à cause de la congestion et ils sont souvent tués par balle », a-t-il dit, ajoutant que la torture était courante dans les prisons du Burundi.

D’après M. Mbonimpa, une révision du code pénal, votée en avril 2009, n’a renforcé la protection des droits humains que sur le papier.

« Il n’y a pas de volonté politique de faire appliquer certaines des initiatives mentionnées dans le code ; la communauté internationale peut aider en demandant au gouvernement d’arrêter de faire un mauvais usage du système judiciaire, et de prendre des mesures contre ses agents qui se rendent coupables de violations des droits humains », a-t-il dit.

Dans un rapport publié en juin, Human Rights Watch (HRW) a appelé le gouvernement à prendre d’urgence des mesures visant à mettre un terme aux meurtres, agressions et arrestations arbitraires à caractère politique.

Photo: Jane Some/IRIN

Agathon Rwasa, le chef des FNL



Le rapport, intitulé La quête du pouvoir : Violences et répression politiques au Burundi, décrit des cas où tant le gouvernement, dominé par le Conseil National pour la Défense de la Démocratie-Forces pour la Défense de la Démocratie (CNDD-FDD) que les FNL, qui étaient alors un mouvement rebelle (et sont aujourd’hui un parti politique), ont recouru à des actes de violence et d'intimidation politiques contre des opposants et des voix dissidentes au sein de leurs propres rangs.

« Le parti au pouvoir et les ex-rebelles des FNL ont montré qu'ils n'étaient que trop disposés à commettre des exactions pour intimider leurs adversaires politiques et affirmer leur pouvoir », a dit Georgette Gagnon, directrice de la division Afrique à HRW. « Mais cette voie ne mènera ni à des élections probantes ni à un avenir décent pour le peuple burundais ».

Cependant, Agathon Rwasa, le chef des FNL, a nié que les membres de son mouvement soient responsables de violations des droits humains.

« Avant que les FNL ne soient désarmées et intégrées dans l’armée et la police, toute violence commise dans le pays était attribuée aux FNL, mais aujourd’hui, les FNL ont été intégrées et pourtant les violences continuent », a-t-il dit. « Cela signifie que le gouvernement, les forces de sécurité [l’armée et la police] pourraient être impliquées dans ces violences. Cela signifie que les auteurs des violences n’ont pas changé, mais qu’autrefois ils avaient des boucs émissaires, et qu’aujourd’hui ils n’en ont plus ».

« Il y a beaucoup d’abus du point de vue des droits humains, non seulement contre les FNL, mais aussi contre toute opposition ; on pourrait même extrapoler en disant qu’il s’agit d’une directive venue d’en haut donnée à ceux qui sont en bas », a-t-il ajouté.

Les nombreuses tentatives d’IRIN pour obtenir des commentaires de la part du parti au pouvoir sont restées sans succès.

Responsabilité

HRW a appelé le gouvernement à s'engager sur la voie de la responsabilité en ouvrant des enquêtes et en engageant des poursuites pour les 23 meurtres et les autres délits décrits dans le rapport, qui couvre 2008 et 2009.

« En raison des meurtres, arrestations et autres formes de répression, les Burundais vivent dans la peur des conséquences que pourrait entraîner l'expression de leur opinion politique », a dit Mme Gagnon. « Leurs droits seront en péril aussi longtemps que le parti au pouvoir et l'ancien groupe rebelle ne devront pas supporter les conséquences de leurs actes... »

Selon Jean-Marie Gasana, analyste du Burundi, une culture d’impunité a pris racine dans le pays.

« La justice a été mise de côté. Les dirigeants bénéficient de la culture d’impunité dominante », a-t-il dit.

D’après lui, la société civile du pays est jeune et faible, ce qui contribue à renforcer la culture d’impunité.

« La société civile est élitiste et soumise à l’influence du plus offrant, comme partout ailleurs en Afrique », a dit M. Gasana.

« Les gens sont fatigués de la politique au jour le jour ; ils ont simplement besoin d’avoir les moyens de vivre », a-t-il dit. « Le gouvernement donne les moyens de survivre, mais il utilise cela pour prendre le peuple en otage. Il faut développer davantage le renforcement des capacités au niveau de la population globale, pour mettre fin aux violations qui continuent à sévir dans la population ».

Source: Les informations vous sont parvenues via IRIN, un département d'informations humanitaires des Nations Unies, mais ne reflètent pas nécessairement les vues des Nations Unies ou de ses agences

vendredi 27 novembre 2009

Démenti des services secrets : Le Burundi "ne sert pas de base-arrière" aux FDLR

Le Burundi "ne sert pas de base-arrière" aux rebelles hutus rwandais qui opèrent dans l'Est de la République démocratique du Congo (RDC), a assuré jeudi le porte-parole des services secrets burundais Télésphore Bigirimana.

"Le Burundi ne sert pas de base-arrière aux rebeles des FDLR ou à qui que ce soit voulant déstabiliser le Rwanda. Le Burundi n'aide pas et n'aidera jamais un groupe qui veut déstabiliser notre sous région", a déclaré Télésphore Bigirimana.

Le porte-parole réagissait à un rapport d'experts de l'ONU transmis début novembre au Conseil de sécurité de l'ONU et détaillant un réseau de financement et de soutien international dont bénéficieraient les rebelles hutus rwandais des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR).

Une partie du rapport est consacrée au Burundi qui, selon les experts, servirait de "base-arrière au recrutement des FLDR et à des réseaux de soutien". De même, le groupe fait état de relations continues entre le chef des services secrets burundais, le général Adolphe Nshimirimana, et les FDLR.

Les experts s'interrogent également sur la destination finale d'importants stocks d'armes légères ayant transité en 2008 par l'aéroport international de Bujumbura.

"Ces contacts (avec des membres des FDLR) n'ont jamais eu lieu, parce que le chef du Service National de Renseignements (SNR), le général Adolphe Nshimirimana, n'a pas de contacts personnels avec ces gens", a-t-il assuré.

Le porte-parole a également affirmé qu'aucune arme ou recrue des FDLR n'avait transité par le Burundi en direction de la RDC.

"Nous sommes en contact avec les services de renseignements du Rwanda et ils peuvent confirmer que nous ne sommes impliqués ni de près ni de loin dans ce trafic", a expliqué le porte-parole.

"Au contraire, nous collaborons avec eux pour que le Rwanda ait la paix et que les groupes qui seraient en position de déstabiliser le Rwanda n'agissent pas à partir de notre territoire", a-t-il ajouté.

"Je pense que le gouvernement rwandais serait en mesure de confirmer notre bonne foi", a insisté le porte-parole du SNR.

Selon des sources concordantes, les services secrets burundais ont livré aux Rwandais au cours des deux dernières années plusieurs dizaines de rebelles des FDLR dont un général commandant de région, arrêtés au Burundi.

Pays frontalier de l'Est de la RDC et du Rwanda, le Burundi, qui sort de 13 ans de guerre civile, est dirigé depuis 2005 par l'ex-principale rébellion du CNDD-FDD, qui a été longtemps basée en RDC et a combattu dans ce pays contre l'armée rwandaise, aux côtés des FDLR et de l'armée congolaise.

Le général Nshimirimana, l'un des hommes forts du pouvoir burundais, était alors chef d'état major des rebelles et connaîtrait, à ce titre, la plupart des responsables militaires des FDLR, selon des sources concordantes.

"Aujourd'hui, le général Nshimirimana n'agit pas en son nom propre. Il représente le Service national de renseignements burundais qui applique la politique du gouvernement", selon le porte-parole.

Source: AFP

jeudi 26 novembre 2009

Le Burundi "base-arrière" des rebelles rwandais des FDLR ?

Dans l'est du Congo, cela fait plusieurs mois que l'armée et les casques bleus de l'ONU tentent de désarmer les rebelles hutus rwandais. Mais ils sont loin d'y être parvenus. C'est qu'ils bénéficient de soutiens importants, et notamment en Belgique.

C'est en tout cas ce que révèle un rapport remis au conseil de sécurité par un groupe d'experts de l'ONU. Ils ont enquêté pendant plusieurs mois au Congo sur le terrain. Leurs conclusions sont édifiantes. Non seulement les rebelles sont toujours dans l'est mais ils ont mis en place un vaste réseau de soutien à l'étranger: soutien politique, financier et militaires. Des cadres du FDLR seraient présents dans plusieurs pays européens, dont la Belgique, la France et l'Allemagne. C'est d'ailleurs en Allemagne que les deux principaux dirigeants du groupe armé ont été arrêtés il y a quelques jours.

Les rebelles, dont certains ont participé au génocide de 94 au Rwanda, continuent de recevoir des cargaisons d'armes importantes. Un prêtre belge, installé en Tanzanie, serait impliqué dans des transferts de fonds en faveur des FDLR dont la base arrière se trouve au Burundi.

Soutien financier depuis la Belgique ?

En Belgique habitent une dizaine de bailleurs de fonds des FDLR qui mènent la guérilla dans l'Est du Congo contre l'armée gouvernementale et les forces de l'ONU, indique la presse flamande ce jeudi, sur base d'un rapport confidentiel des Nations-Unies.

Selon ce rapport, la majorité des bailleurs de fonds des Forces démocratiques de libération du Rwanda séjournent en Belgique et certains d'entre eux entretiennent des contacts réguliers avec les commandants militaires dans l'Est du Congo, indiquent les journaux De Morgen, De Standaard, Gazet van Antwerpen et Het Belang van Limburg. L'enquête repose sur des entretiens avec d'anciens combattants des FDLR, des relevés bancaires et des listes d'appels téléphoniques.

Les enquêteurs de l'ONU se sont intéressés également à des trafics illégaux d'or ayant permis de financer les campagnes militaires des FDLR. Le rapport montre que l'or des FDLR est passé en contrebande principalement au Burundi, où il est commercialisé par la société Berkenrode, contrôlée par l'homme d'affaires Mutoka Ruganyira. La société est basée à Anvers, non loin de l'entreprise Tony Goetz & Zonen, active dans le secteur de l'orfèvrerie.

Mutoka Ruganyira affirme qu'il s'est établi en Belgique pour des raisons fiscales. Tony Goetz a, lui, déclaré aux enquêteurs qu'il n'avait pas importé d'or du Congo, mais quelques mois plus tard, il a dû admettre qu'il avait acheté 3 kilos provenant du Congo.

L'armée congolaise soutient les rebelles

Le lien entre l'armée congolaise et les rebelles hutus n'est pas neuf. Mais il y a quelques mois le Congo et le Rwanda ont annoncé qu'ils mettaient en place des opérations militaires communes contre les rebelles. Certains y ont vu un retournement de situation, la volonté du gouvernement de Kinshasa de prendre les choses en main et d'en finir avec les groupes armés qui violentent chaque jour les populations civiles. Mais ces opérations ont aggravé la situation humanitaire, des milliers de personnes ont été déplacées et les rebelles se sont réinstallés dans ces région ou non seulement ils tuent, mais aussi ils pillent les ressources naturelles, comme l'or de la région.

Polémique sur le retrait des casques bleus du Congo

Le conseil de sécurité doit se prononcer très bientôt sur le prolongement du mandat. Mais à quelques moins du 50ème anniversaire de l'indépendance du Congo, les autorités de Kinshasa réclament un plan de retrait de 20 000 hommes de la mission de l'ONU. Histoire de montrer à la communauté internationale que la République démocratique du Congo est un état capable de s'affranchir de la tutelle onusienne, de protéger seul ses populations et de gérer ses ressources. Ce que n'a pas vraiment démontré le rapport de l'ONU.

Source: RTBF

mercredi 25 novembre 2009

Appel international pour la levée de l’interdiction du FORSC

Les menaces et les restrictions sont une tentative de faire taire les critiques

(Bujumbura, le 25 novembre 2009) – Les autorités burundaises devraient retirer immédiatement une ordonnance mettant hors la loi le Forum pour le renforcement de la société civile (FORSC), une structure qui réunit 146 associations burundaises de la société civile, ont déclaré Amnesty International, l’East and Horn of Africa Human Rights Defenders Project (Projet des défenseurs des droits humains de l’Est et de la Corne de l’Afrique), et Human Rights Watch dans une déclaration conjointe publiée aujourd’hui. Le gouvernement devrait aussi cesser les menaces et actes de harcèlement à l’encontre des militants de la société civile, ont indiqué ces organisations.

L’ordonnance, signée par le ministre de l’Intérieur Edouard Nduwimana le 23 novembre 2009, annule l’ordonnance portant agrément légal au FORSC, invoquant une soi-disant erreur technique dans ladite ordonnance, approuvée par ce même ministre en mai 2006. C’est la première organisation non gouvernementale à être interdite au Burundi, évolution inquiétante alors que le pays se prépare à des élections présidentielles.

Cette interdiction fait suite à plusieurs semaines de recrudescence d’actes d’intimidation, de harcèlement et de menaces contre des militants de la société civile travaillant sur des questions relatives à la lutte contre l’impunité. La semaine précédant la signature de l’ordonnance, le délégué général du Forum, Pacifique Nininahazwe, ainsi que Pierre Claver Mbonimpa, président de l’Association pour la protection des droits humains et des personnes détenues (APRODH), ont dit avoir été placés sous surveillance par le Service national de renseignement et ils ont reçu une série de menaces de mort.

« L’interdiction du FORSC par le gouvernement burundais semble n’avoir aucun fondement juridique réel et c’est une attaque frontale contre la liberté d’association », a déclaré Georgette Gagnon, directrice pour l’Afrique à Human Rights Watch. « Venant s’ajouter aux menaces contre deux militants très respectés, c’est là une tentative cynique de réduire au silence la société civile dynamique du Burundi. »

Le FORSC, qui a rassemblé des organisations de la société civile dans un certain nombre de campagnes portant sur des questions allant de la justice de transition à l’observation des élections , s’est trouvé récemment au premier rang des efforts pour lutter contre l’impunité à la suite de plusieurs meurtres qui ont eu lieu en 2009. Le FORSC a dirigé une campagne appelant à mener des enquêtes sérieuses sur les assassinats d’Ernest Manirumva et de Salvator Nsabiriho. Des témoins ont mentionné l’implication d’agents de l’Etat dans les deux assassinats.

A la suite d’une déclaration faite par Nininahazwe le 7 novembre, dans laquelle il demandait au Président Pierre Nkurunziza de réagir aux assassinats, le ministre de l’Intérieur Nduwimana a convoqué le FORSC et plusieurs autres organisations et a menacé de les « punir » pour leur franc-parler. La semaine suivante, Nininahazwe et Mbonimpa ont commencé à recevoir des menaces de mort. Le 18 novembre, huit organisations ont adressé une lettre ouverte au Président Nkurunziza, exprimant leurs préoccupations à propos de ces menaces et appelant à mettre fin aux actes de harcèlement contre la société civile.

« L’interdiction d’une organisation plusieurs jours après qu’elle a dénoncé des menaces – malgré les tentatives du gouvernement pour formuler l’interdiction en des termes légaux formels – soulève des inquiétudes quant à la détermination du gouvernement à réduire ses détracteurs au silence », a observé Hassan Shire, directeur exécutif de l’East and Horn of Africa Human Rights Defenders Project. « Au lieu de supprimer des groupes de la société civile, il devrait s’engager dans un dialogue productif avec eux afin d’améliorer les conditions de vie de tous les Burundais. »

Selon l’ordonnance, l’interdiction du FORSC est basée sur le fait que certains de ses membres sont enregistrés auprès du ministère de la Fonction publique, du travail et de la sécurité sociale (les syndicats, par exemple), et du ministère de la Justice (par exemple l’Ordre des avocats), plutôt qu’auprès du ministère de l’Intérieur, qui règle l’enregistrement de la plupart des organisations non gouvernementales. Cependant, ces groupes étaient membres du Forum quand le ministère de l’Intérieur a approuvé ses statuts et la liste de ses adhérents en 2006.

Des avocats burundais interrogés par Human Rights Watch ont affirmé que l’ordonnance n’avait aucune base légale. Un des avocats a fait remarquer que plusieurs structures, agissant dans les domaines du VIH/SIDA et du développement économique, relèvent de différents ministères. Adopter une ordonnance en invoquant le fait que des associations diverses ne peuvent pas former des réseaux reconnus légalement établirait un précédent légal dangereux, a déclaré cet avocat.

Même en recourant à une interprétation du droit burundais qui interdirait de former de tels réseaux, un fonctionnaire du ministère de l’Intérieur s’exprimant lors d’une conférence de presse le 24 novembre n’a pas pu expliquer pourquoi une erreur commise par le ministère lui-même devrait aboutir à interdire une organisation, plutôt qu’à des efforts pour régulariser sa situation. Pressé par les journalistes, le fonctionnaire, René Gabriel Simbakeneye, a affirmé que l’ordonnance avait pour but de « suspendre » le FORSC. Il a déclaré que lorsque le forum aurait « corrigé les erreurs [dans ses statuts], le ministre lui fera la faveur de l’autoriser à continuer ses activités ».

Les organisations burundaises de la société civile ont fait remarquer dans une déclaration du 24 novembre que l’ordonnance viole des droits humains fondamentaux. L’article 22 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, auquel le Burundi est un Etat partie, stipule que toute personne a droit à la liberté d’association. Les seules restrictions permises sont celles qui sont « prévues par la loi et qui sont nécessaires dans une société démocratique, dans l'intérêt de la sécurité nationale, de la sûreté publique, de l'ordre public, ou pour protéger la santé ou la moralité publiques ou les droits et les libertés d'autrui ». Aucune de ces restrictions n’a été invoquée pour justifier l’interdiction du FORSC.

Human Rights Watch, l’East and Horn of Africa Human Rights Defenders Project, et Amnesty International ont exhorté le gouvernement du Burundi à annuler l’ordonnance immédiatement et à autoriser le FORSC à poursuivre ses activités.

« Le gouvernement burundais a le droit, en vertu du droit international, de réglementer la formation et les activités des organisations de la société civile », a indiqué Tawanda Hondora, Directeur adjoint du programme Afrique à Amnesty International d’Amnesty International. « Mais interdire un groupe parce qu’il remet en question les pratiques du gouvernement est une grave violation des droits humains dans cette période décisive de l’histoire du Burundi. »

Contexte

Le FORSC est l’une des organisations burundaises les plus actives. Il a été fondé en 2006 avec pour mission le « renforcement du positionnement et de la visibilité de la société civile afin de contribuer efficacement à l’émergence et à la consolidation d’un Etat respectueux de l’Etat de droit, où règnent la paix et la prospérité ». Ses activités récentes incluent la coordination des militants de la société civile pour contrôler des consultations appuyées par l’ONU sur la justice de transition.

Après l’assassinat en avril d’Ernest Manirumva, vice-président de l’organisation anti-corruption OLUCOME, le Forum a lancé la campagne « Justice pour Ernest Manirumva », demandant au gouvernement d’identifier et d’arrêter les coupables, soupçonnés par de nombreuses organisations de la société civile d’être des agents de l’Etat. Cette campagne semble avoir été l’un des principaux moteurs ayant entraîné la décision du procureur de la république de dissoudre une commission d’enquête inactive désignée par le gouvernement et de la remplacer au mois d’octobre par une nouvelle commission qui semble avoir entrepris des enquêtes sérieuses.

En novembre, le FORSC a dénoncé publiquement le meurtre de Salvator Nsabiriho, un jeune homme qui a été convoqué le 13 octobre par le gouverneur de la province de Kayanza à propos d’un litige de propriété. Selon le FORSC et de nombreuses autres organisations, Nsabiriho a été interrogé puis battu avec brutalité par la police agissant sur les ordres du gouverneur, Senel Nduwimana. Nsabiriho a succombé à ses blessures le 5 novembre, après avoir dénoncé les coupables à sa famille et à des défenseurs burundais des droits humains.

Le 10 novembre, le même jour où le ministre Nduwimana a menacé de « punir » le FORSC et d’autres organisations de la société civile, Nininahazwe et Mbonimpa ont reçu des menaces de mort de la part d’individus liés au Service national de renseignement. Ils ont été informés que des agents du renseignement voulaient les tuer à cause d’informations qu’ils étaient censés posséder sur le meurtre de Manirumva.

Communiqué de presse:L’OAG s’insurge contre la supression du FORSC

1. C’est avec une grande consternation que l’Observatoire de l’Action Gouvernementale (OAG) a appris que le ministre burundais de l’Intérieur a pris la décision d’annuler l’ordonnance d’agrément du Forum pour le Renforcement de la Société civile, FORSC, une plateforme de près de 200 associations.

2. L’OAG estime que le Ministre a pris une mesure peu responsable et lourde de conséquences, non seulement pour la personne même du Ministre, mais aussi pour l’image de notre pays, qui est pourtant encore à redorer.

3. A part que cette mesure manque cruellement de fondement juridique, elle constitue une provocation et une preuve matérielle de l’absence du respect des libertés publiques. Pire encore, cette insoutenable décision prouve à suffisance que, dans notre pays, « l’argument de la force prime sur la force de l’argument ».

4. L’OAG considère que cette décision réconforte dans leur position, ceux qui doutent encore de la volonté réelle des pouvoirs publics à s’engager résolument dans la ligne de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, des conventions internationales en rapport avec les droits et libertés et dans l’application des dispositions de la Constitution du Burundi.

5. Il s’agit, à n’en pas douter, d’une preuve matérielle d’un recul notoire sur le terrain encore fragile de la démocratie.

6. Au moment où les organisations de la société civile n’avaient pas encore dépassé le deuil de feu Ernest Manirumva, ancien vice-président de l’OLUCOME assassiné le 8 avril dernier, cette décision du Ministre pousse plus loin le cynisme et porte un coup de poignard dans leur dos en voulant les réduire au silence.

7. L’OAG considère que le FORSC est d’ailleurs victime de son inflexible détermination à faire éclater la vérité sur l’assassinat d’Ernest Manirumva et de nombreux autres citoyens fauchés comme des mouches sans que l’administration ne sourcille. Le laxisme affiché par les autorités du Ministère de l’Intérieur pour traquer les membres de son administration qui s’en prennent à la vie des paisibles citoyens et s’adonnent à la perturbation de la sécurité en menaçant la population déçoit et attriste l’OAG.

8. Mais en dépit de cette flagrante entorse à la loi, l’OAG demande aux organisations membres de FORSC de demeurer soudés et ne pas céder aux intimidations et au découragement. C’est le moment de prouver leur maturité et de montrer que la Société civile burundaise est plutôt une force pour bâtir, n’en déplaise à ses détracteurs.

9. L’OAG exige enfin que le Ministre revienne rapidement sur sa décision ou alors qu’il jette l’éponge, à défaut de se raviser.

10. Quoi qu’il en soit, L’OAG reste convaincu que la vérité finira par vaincre le mensonge, que la force de l’âme vaincra la force de l’épée et que la non violence vaincra la terreur.

Pour l’Observatoire de l’Action Gouvernementale Onesphore Nduwayo Président.