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vendredi 29 juillet 2011

Amnesty International demande au Burundi de libérer des avocats de premier plan incarcérés pour des motifs fallacieux

Le gouvernement burundais doit immédiatement libérer deux éminents avocats placés en détention sur fond de conflit avec le gouvernement, a déclaré Amnesty International jeudi 28 juillet, tandis qu'une grève nationale des avocats se poursuit.

Isidore Rufikiri, bâtonnier de l'Ordre des avocats du Burundi, a été arrêté mercredi 27 juillet après avoir pris la parole lors d'un rassemblement dans la capitale, Bujumbura.

Les avocats burundais se sont mis en grève cette semaine afin de réclamer la libération de leur consœur Suzanne Bukuru, arrêtée le 15 juillet pour « complicité d'espionnage » après avoir parlé à des journalistes français d'une affaire de viol présumé.

« L'arrestation de ces avocats porte atteinte au droit à la liberté d'expression », a déclaré Erwin van der Borght, directeur du programme Afrique d'Amnesty International.

« Les autorités burundaises doivent immédiatement remettre ces avocats en liberté et leur permettre, ainsi qu'à leurs collègues, de pratiquer leur activité librement. La manière dont elles se comporteront dans cette affaire constituera un test décisif pour la crédibilité du système de justice burundais. »

Le parquet a convoqué Isidore Rufikiri à la Cour d'appel mercredi 27 juillet ; il a été entendu pour « outrage à magistrats », une charge apparemment en rapport avec des propos qu'il a tenus sur les ingérences dans le système judiciaire lors d'une action de protestation menée par des avocats lundi 25 juillet.

Après cet interrogatoire, Isidore Rufikiri a été directement emmené à la prison centrale de Mpimba.

Suzanne Bukuru avait elle aussi été convoquée par le parquet, le 15 juillet, en relation avec une affaire dans laquelle elle représente cinq jeunes filles affirmant avoir été violées par un ressortissant français vivant au Burundi. L'accusé a été déclaré coupable le 25 juillet et condamné à une peine de 25 années d'emprisonnement et à une amende de 14 000 euros. Il a décidé de faire appel.

Suzanne Bukuru a été interrogée à propos du fait qu'elle ait mis ses clientes en relation avec des journalistes français venus au Burundi avant le prononcé du jugement. Elle a été inculpée de « complicité d'espionnage », chef d'accusation forgé de toutes pièces et sans aucun rapport avec les faits, passible de la réclusion à perpétuité et pouvant uniquement être retenu contre des étrangers et en temps de guerre.

Suzanne Bukuru a été immédiatement transférée à la prison centrale de Mpimba et le tribunal déterminera lundi 1er août s'il lui accorde la libération sous caution.

Le parquet a par ailleurs interrogé Edras Ndikumana, un correspondant de Radio France International (RFI), au sujet de son rôle dans le rapprochement entre des journalistes français et Suzanne Bukuru.

L'indépendance du système de justice burundais est régulièrement compromise par des ingérences politiques. Des juges sont parfois sanctionnés en étant mutés dans une autre province pour avoir pris des décisions défavorables au pouvoir exécutif.

Dans son rapport de mai 2011, Fatsah Ouguergouz, l'expert indépendant des Nations Unies sur la situation des droits de l'homme au Burundi, a déclaré que les manquements au principe d'indépendance étaient l'une des principales faiblesses du système de justice burundais.

Les Principes de base relatifs au rôle du barreau des Nations unies disposent que les avocats doivent pouvoir s'acquitter de leurs fonctions professionnelles « sans entrave, intimidation, harcèlement ni ingérence indue », mais reconnaissent aussi expressément qu'ils doivent jouir de la liberté d'expression, et en particulier, « ils ont le droit de prendre part à des discussions publiques portant sur le droit, l'administration de la justice et la promotion et la protection des droits de l'homme ».

Source: Amnesty International

jeudi 28 juillet 2011

Burundi : le bâtonnier de l'ordre des avocats arrêté pour outrage

Le bâtonnier de l'ordre des avocats du Burundi a été arrêté pour outrage à magistrats et écroué mercredi, après des propos tenus lors d'une manifestation en vue d'exiger la libération d'une consœur emprisonnée.

« Mon confrère Me Isidore Rufyikiri a été convoqué ce matin par le procureur général de la Cour d'appel, Léopold Kabura. Il a été entendu (...) avant d'être arrêté pour outrage à magistrats », a déclaré à la presse Me Sylvestre Banzubaze, avocat du bâtonnier, qui l'assistait au cours de son audition.

Le bâtonnier burundais est alors sorti du bureau du procureur, encadré par des policiers et sous les applaudissements de dizaines d'avocats, portant la toge, a-t-on constaté sur place. Il a été conduit à la prison centrale de Mpimba de Bujumbura pour y être incarcéré.

Au cours de son audition, le procureur lui a reproché d'avoir qualifié les magistrats de « utugagabo n'utugore » (petits hommes et petites femmes) lundi, ce qu’il na pas reconnu car il avait parlé de ceux qui sont corrompus, a expliqué M. Banzubaze.

Le bâtonnier s'était publiquement exprimé lundi dune manifestation d'avocats devant le palais de justice de Bujumbura en soutien à une confrère, Me Suzanne Bukuru.

Il avait alors fustigé les magistrats corrompus, sans personnalité et sans idéal, qui se prévalent d'un ordre venu d'en haut pour procéder à des arrestations illégales et injustes en référence à l'emprisonnement de Me Suzanne Bukuru le 15 juillet.

Avocate des parties civiles dans le procès d'un Français accusé de viol, Mme Bukuru a été arrêtée pour complicité d'espionnage et écrouée le 15 juillet pour avoir facilité une interview avec des journalistes français.

Sollicité, aucun responsable de la justice n'a souhaité s'exprimer sur le sujet.

Les avocats ont débuté lundi une grève des prétoires d'une semaine, et manifestent chaque matin pendant une heure devant le palais de justice de la capitale.

Patrice Faye, un Français de 58 ans vivant au Burundi depuis plus de trois décennies, a été condamné lundi à 25 ans de prison pour viols notamment sur mineures.

Le procès de Patrice Faye, qui a toujours clamé son innocence, s'est déroulé à huis clos le 16 juin à Bujumbura. Le Français avait été arrêté le 5 avril après des accusations de viol portées par cinq filles, dont des mineures fréquentant une école qu'il a créée en faveur de jeunes en difficultés.

La France qui s'est dit vivement préoccupé par sa condamnation mardi, a mis en cause les conditions de son procès.

Source: AFP

mercredi 27 juillet 2011

Les avocats en grève pour protester contre l'arrestation d'une collègue

Les avocats du barreau burundais ont annoncé une grève des prétoires d'une semaine, lors d'une manifestation devant le palais de justice de Bujumbura lundi, en vue d'exiger la libération d'une consoeur arrêtée et écrouée pour "complicité d'espionnage".

Me Bukuru, avocate des parties civiles dans le procès de Patrice Faye, un Français poursuivi pour viol sur des mineures au Burundi, a été arrêtée "pour complicité d'espionnage" et écrouée le 15 juillet, pour avoir facilité une interview de ces jeunes filles par des journalistes français, a appris l'AFP de sources judiciaires.

"Les avocats ont décidé, au cours d'une assemblée générale, de suspendre depuis aujourd'hui jusqu'à vendredi toute participation aux audiences publiques au Burundi en signe de protestation et d'indignation face à une justice qui torpille et persécute ses propres défenseurs", a annoncé Me Isidore Rufyikiri, bâtonnier de l'ordre des avocats burundais.

Une centaine d'avocats portant la toge et des pancartes où était écrit "Libérez Me Suzanne Bukuru", ont manifesté silencieusement devant le palais de justice de Bujumbura pendant une heure lundi matin, a constaté un journaliste de l'AFP.

"Nous sommes ici pour manifester notre indignation, mais aussi notre soutien à notre consoeur Mme Suzanne Bukuru arrêtée et écrouée de façon injuste et arbitraire, pour une infraction qui n'existe pas", a expliqué le bâtonnier.

"Les avocats vont manifester devant le palais de justice chaque matin et cela jusqu'à vendredi en signe de soutien à Me Suzanne" Bukuru, a-t-il ajouté.

Le porte-parole de la Cour suprême du Burundi, Elie Batungwanayo, a déclaré à l'AFP lundi en fin d'après-midi que "la réaction du barreau du Burundi est tout à fait normale".

"Si les avocats ont décidé de manifester, c'est tant mieux car c'est un mode d'expression qui leur est reconnu par la loi, c'est un signe de solidarité avec leur collègue", a commenté M. Batungwanayo.

"Mais le ministère public a aussi fait son travail en décidant d'arrêter Me Suzanne Bukuru, (...), et c'est le juge qui demain va se charger de départager les deux parties", a-t-il ajouté.

Contactés par l'AFP, plusieurs responsables du ministère de la justice burundaise et du ministère public ont refusé de s'exprimer sur le sujet.

Il y a un mois, le procureur du tribunal de grande instance de Bujumbura avait requis 35 ans de prison à l'encontre de Patrice Faye, au cours d'un procès à huis clos. La cour a encore un mois avant de rendre son verdict.

Source: AFP

lundi 25 juillet 2011

ICG appelle les Burundais à emprunter le chemin du dialogue

Le Burundi peut-il se permettre de rater sa consolidation démocratique ?
Thierry Vircoulon, On the African Peacebuilding Agenda | 22 Jul 2011

5 mois après la publication du rapport Burundi : du boycott électoral à l’impasse politique, la dynamique de régression que nous décrivions en détails dans ce texte produit ses effets dévastateurs. La fin du consensus d’Arusha et le pourrissement du climat politique consécutif au boycott électoral de 2010 ont conduit à une violence qui, en dépit du lénifiant discours officiel, ne cesse de prendre de l’ampleur.

Depuis le boycott électoral de l’opposition, les autorités mènent une politique de marginalisation : refus de dialogue, adoption d’une nouvelle loi sur les partis politiques qui écarte de facto tous les leaders politiques en exil,[i] divisions plus ou moins organisées au sein des mouvements d’opposition.[ii]

Parallèlement à cette mise hors jeu de l’opposition, la sécurité s’est dégradée avec la multiplication des désertions dans l’armée, des collectes d’argent et des attaques et contre-attaques qui, chaque semaine, font des victimes parmi les forces de sécurité, les membres du parti au pouvoir et de l’opposition. La présentation de ces opérations comme des actes de « banditisme armé » n’abuse plus personne au Burundi dans la mesure où ces violences épousent assez largement les contours de la carte des anciens fiefs des Forces Nationales de Libération (FNL) et où les « bandits » se présentent maintenant comme des déçus du régime de Nkurunziza.

La témérité croissante de ces attaques (on assiste maintenant à des confrontations directes avec les forces de l’ordre) apporte un démenti cinglant au discours officiel sur la « sécurité restaurée » et de récentes attaques commises juste après les festivités de l’indépendance ont été revendiquées par une nouvelle rébellion, le FRONABU-TABARA. Pour citer un observateur local, « la violence actuelle est comme une nouvelle liqueur dans une ancienne bouteille » : les techniques de la violence employées sont bien connues des Burundais mais l’affrontement est intra-ethnique non plus inter-ethnique.[iii]

La dynamique de régression politico-sécuritaire se déroule dans un climat délétère pour le parti au pouvoir. Sur le front social, la hausse des prix provoque un mécontentement populaire croissant tandis que la multiplication des révélations sur l’enrichissement illicite de l’équipe gouvernementale met sous tension le parti au pouvoir. Ce dernier a enregistré plusieurs défections de personnalités de poids, dont le plus important est Manassé Nzobonimpa qui annonce la création d’une nouvelle formation politique (le Rassemblement des Patriotes pour la Restauration de la Démocratie) après avoir dénoncé des affaires de corruption.

Malgré ce climat tendu, il convient de noter que la mise en place des contre-pouvoirs institutionnels a avancé (créations de l’Ombudsman, de la Commission indépendante pour les droits de l’Homme, d’une commission préparatoire pour la justice transitionnelle) et surtout il convient de prendre acte du changement de position du président Nkurunziza qui, pour la première fois, s’est prononcé publiquement en faveur de l’ouverture d’un dialogue avec l’opposition : « Nous saisissons cette occasion pour lancer un appel aux politiciens qui sont à l’extérieur. Qu’ils reviennent au pays, afin que nous échangions des idées qui contribuent à la construction commune de notre pays, et que d’ailleurs ils commencent à se préparer pour les élections de 2015 ».[iv]

Cette annonce est la première embellie dans le ciel burundais depuis l’élection de 2010 et la première ouverture du pouvoir vers l’opposition. Saisir cette opportunité de dialogue est la seule chance d’inverser la dynamique de régression enclenchée par les élections techniquement valides mais politiquement ratées de 2010.

La configuration actuelle est propice à la reprise du dialogue

1 - La proposition de dialogue vient du plus haut niveau de l’Etat et l’opposition est structurée au sein de l’ADC qui est une plate-forme représentative.

2 – Le gouvernement et l’opposition ont compris les limites de leurs stratégies respectives : les autorités ont pris conscience que la stratégie sécuritaire ne peut pas résoudre le problème actuel et les leaders de l’opposition ont compris que la sortie du système politique réduisait leur marge de manœuvre.

3 - Le gouvernement et l’opposition ont dépassé une partie du contentieux de 2010 : les autorités, à commencer par le président lui-même, ont toujours fermement exclu d’aborder dans un éventuel dialogue toute question pouvant remettre en cause les résultats et les institutions issus des élections de 2010 ; cette idée largement partagée par les acteurs internationaux, est aujourd’hui admise par l’ADC à mots couverts.

Cependant, il convient d’emblée d’éviter un malentendu sémantique : pour le gouvernement, il est question d’un dialogue et non de négociations car il ne saurait revenir sur le résultat des élections de 2010. De son côté, l’opposition regroupée au sein d’une coalition (l’ADC) estime que le concept utilisé (dialogue ou négociation) importe peu, l’essentiel étant que les différentes parties se trouvent autour d’une même table.

Les conditions d’ouverture d’un dialogue

Le gouvernement, sans s’être déjà officiellement exprimé sur la question, sera probablement tenté d’exiger de l’opposition le renoncement à la lutte armée et qu’elle se désolidarise des auteurs des actes de violence. Malgré sa légitimité, cette requête a fort peu de chances d’être accepté en l’absence de concessions réciproques substantielles et compte-tenu de l’histoire du Burundi (aucune des rébellions en activité lors des multiples négociations de paix menées ne l’a accepté, la poursuite des hostilités étant perçue comme un moyen de pression sur la partie adverse).

De leur côté, l’ADC et les partis en son sein posent un certain nombre de conditions à l’ouverture du dialogue : la libération des prisonniers politiques ou d’opinion, l’arrêt des arrestations des membres de l’opposition, des garanties de sécurité pour les chefs de l’opposition exilés ou en clandestinité, la non promulgation de la nouvelle loi sur les partis politiques, la restitution de la direction des FNL à Agathon Rwasa.

Dialoguer où ?

L’appel au retour des leaders de l’opposition lancé par le président a peu de chance d’être entendu dans le contexte sécuritaire actuel. Depuis l’ouverture présidentielle, les deux parties ne se sont pas encore exprimées officiellement sur le cadre de dialogue de leur choix. Jusqu’à peu, les autorités ont toujours renvoyé la question du cadre de dialogue au Forum permanent des partis politiques, une institution décriée et boycottée par l’ADC pour être, selon cette coalition, inféodée au parti au pouvoir. Au-delà de la contestation du Forum permanent, les leaders de l’opposition étant pour la plupart en exil ou dans la clandestinité, il serait indispensable de mener les premières discussions dans un environnement sûr, et donc à l’étranger - ce qui permettrait d’évacuer les délicates questions des garanties individuelles de sécurité et de la légitimité du Forum permanent des partis politiques.

Après avoir écarté les tentatives de médiation des pays de l’Initiative régionale pour la paix au Burundi durant le processus électoral, les responsables de l’ADC semblent maintenant mieux disposer à son égard. Ils verraient d’un bon œil que la question burundaise retourne à l’agenda de l’Initiative régionale, sous prétexte que cette institution est le garant de la mise en œuvre de l’accord d’Arusha et que cet accord serait menacé dans sa lettre et son esprit. Or cette démarche constitue un « retour vers le passé » que le gouvernement ne pourra pas accepter pour des raisons d’image internationale mais aussi par opposition au principe de la négociation. Par conséquent, il serait bienvenu qu’un pays n’ayant pas joué un rôle de premier plan dans les négociations passées facilite la démarche de dialogue entre le gouvernement et l’opposition.

Dégager un agenda de dialogue consensuel

Le gouvernement et l’opposition devraient s’entendre sur l’agenda de dialogue suivant :

- conditions d’exercice des droits politiques : loi sur les partis politiques (encore non promulguée), loi sur l’opposition (encore en phase d’examen), préparation des élections de 2015.

- sécurité et justice : garanties de sécurité pour les responsables politiques en exil et dans la clandestinité, fonctionnement des institutions judiciaires (indépendance de la magistrature, installation de la Haute cour de justice, etc.).

- gouvernance : réforme constitutionnelle (évoquée par le président lors de son discours à l’occasion de l’anniversaire de l’indépendance), lutte contre la corruption.

A ce stade, transformer l’ouverture présidentielle en une réduction palpable de la violence ne demande pas beaucoup d’efforts : juste quelques hommes de bonne volonté et un agenda et un lieu de dialogue. S’il est vrai que, pour les régimes post-conflit, la consolidation démocratique se joue entre 5 et 10 ans, alors le Burundi est à un carrefour et il faut à tout prix l’aider à emprunter la bonne direction, c’est-à-dire celle du dialogue.

[i] La nouvelle loi comporte une disposition exigeant à tous les membres fondateurs d’un parti politique une attestation de résidence. Si l’on ajoute que toutes les formations politiques ont six mois pour se conformer à la nouvelle loi une fois une fois celle-ci promulguée, le maintien en exil des responsables des partis politiques les exclue de facto de leur parti.

[ii] Après le coup d’Etat interne des FNL consécutif aux élections de 2010 et qui a conduit à la destitution de Agathon Rwasa, c’est l’UPD qui est victime de dissensions internes.

[iii] La guerre civile qui a fait environ 300 000 victimes opposait les Tutsi aux Hutu tandis que la violence actuelle oppose essentiellement des mouvements politiques hutu.

[iv] Discours de son excellence Pierre Nkurunziza à l’occasion du 49ème anniversaire de l’indépendance, 30 juin 2011.


Source: International Crisis Group