Dans une lettre adressée, vendredi 11 septembre 2009, M. Flory Kabange Numbi, Procureur général de la République, Journaliste en danger (JED) lui a demandé de lancer instamment une réquisition d’information auprès de la société de téléphonie cellulaire VODACOM (à Kinshasa et à Bukavu) afin de retrouver les auteurs des menaces de mort graves proférées par des SMS contre trois femmes journalistes de Bukavu.
Dans cette lettre dont copies ont été réservées notamment au président de la République et au Chef de la MONUC, JED considère que ces menaces à répétition sont le fait des individus à la solde des personnes identifiables ayant une quelconque parcelle de pouvoir, et qui sont hostiles au travail des journalistes. C’est pourquoi aussi, en attendant l’issue rapide des enquêtes, et afin que nul ne dise qu’il ne savait pas, JED a demandé à toutes les autorités compétentes concernées de prendre chacune en ce qui la concerne, des mesures appropriées de protection physique de ces trois journalistes visées par les menaces aussi ouvertes.
Selon les informations parvenues à JED et recoupée auprès des intéressées, le mercredi 8 septembre 2009 vers 13H00, deux journalistes de RADIO OKAPI, Delphine NAMUTO et Kadi ADZOUBA, toutes deux présentatrices du journal parlé, ont reçu sur leurs téléphones portables le message en langue swahili suivant : « mulisha zoweya mubaya munaanza ingiya mu mambo haibaone ju ya kuonesha kama habawezi bagusa, sasa munataka kufa ako ju munyamanze. Tunapata rusa y kuanzia ako Kadi, kisha Kamuntu kisha Kintu Namuto risasi mu kichwa ». (Traduction libre : "Vous avez pris les mauvaises habitudes de vous immiscer dans ce qui ne vous regarde pas pour montrer que vous êtes intouchables, maintenant certains d'entre vous vont mourir pour que vous la boucliez. Nous venons d'avoir l'autorisation de commencer par Kadi; puis Kamuntu puis Namuto: une balle dans la tête").
Une troisième journaliste travaillant pour la RADIO MAENDELEO, une radio communautaire respectée à Bukavu, Jolly KAMUNTU n’a pas reçu ce message mais est nommément citée dans la menace proférée au moyen d’un SMS envoyé à partir du téléphone portable N° 0813 753 026. Depuis mercredi, ce numéro est subitement injoignable.
De par l’analyse du message reçu, tout indique que ces trois femmes sont visées pour leurs activités professionnelles. Selon les informations obtenues par JED, les deux journalistes de Radio Okapi couvrent divers secteurs dont celui des violences sexuelles faites aux femmes. Il en est de même pour Jolly Kamuntu qui anime une chronique judiciaire, en coproduction avec l’ONG hollandaise Benevolencia, également consacrée aux violences sexuelles faites aux femmes à l’est de la RD Congo.
Dans cette correspondance, JED rappelle les cas de trois journalistes tués à Bukavu en l’espace de deux années dans des circonstances qui n’ont jamais été clairement élucidées. Il s’agit de Serge Maheshe Kasole (Radio Okapi, tué le 13 juin 2007), de Didace Namujimbo (Radio Okapi, tué le 21 novembre 2008) et de Bruno Koko Chirambiza (Radio Star, tué le 23 août 2009).
JED a également rappelé que si l’affaire Serge Maheshe Kasole a connu un dénouement judiciaire fondé sur une enquête manifestement bâclée, celle du meurtre de Didace Namujimbo, qui date de 10 mois déjà, semble être engluée dans les arcanes de la justice militaire de Bukavu, la même qui a ratée l’enquête sur le meurtre de Maheshe. Il en est de même du meurtre plus récent de Chirambiza pour lequel la commission mise sur pieds est muette alors que l’offre de la MONUC (Mission des Nations Unies au Congo) pour aider le gouvernement dans cette enquête reste à ce jour sans suite.
Pour JED enfin, le cycle de la mort qui vise les journalistes dans Bukavu devenue une sorte de « Far West » est justement nourri par l’impunité et le manque de sérieux dans les investigations concernant ces meurtres et bien d’autres avant.