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jeudi 27 octobre 2011

Les informations du 26 octobre 2011

Sécurité
Le ministre Alain Guillaume Bunyoni répond aux questions chaudes liées à la sécurité au Burundi
« Une dizaine de groupes des bandits armés démantelés, plusieurs armes de toutes sortes saisis et 598 dossiers transmis en justice. » C’est le bilan donné par le ministre de la Sécurité publique, Alain Guillaume Bunyoni, dans une conférence de presse animée ce mercredi. Plusieurs questions sont revenues notamment les massacres de Gatumba du 18 septembre et les événements récents à l’Université du Burundi où la police a été évoquée comme responsable. Sur ce, le ministre Alain Guillaume Bunyoni dit ne pas être au courant des informations diffusées sur les sites Internet qui impliquent la police dans le massacre de Gatumba et indique que deux policiers sont sous les verrous pour raison d’enquête. Et aux événements du Campus Mutanga, le ministre de la Sécurité publique trouve normal que son ministère appuie les étudiants dans les malheurs et fait savoir que des enquêtes sont encours pour établir les responsabilités.

Bilan lourd d’une explosion de la foudre à Rusaka
5 écoliers et élèves de l’école primaire et collège Kibimba dans la commune Rusaka en province de Mwaro ont trouvé la mort tous foudroyés et 9 autres grièvement blessés par les décharges électriques de la foudre ont été conduits à l’hôpital de Fota en commune Ndava. Ce drame s’est produit hier en fin d’après-midi entre 16h et 17h alors que de fortes pluies mêlées à l’orage se sont abattues sur la région. L’administration se prépare à inhumer ces enfants.
Selon Pierre Nzohabonayo, professeur d’université dans la faculté de science, la foudre est un phénomène tout à fait naturel. « En temps de pluies, il est strictement déconseillé de s’abriter sous les arbres car ceux-ci peuvent être des conducteurs des décharges électriques », conseille le scientifique.

Débandade et emprisonnement d’une vingtaine de pédagogues à Ruyigi
25 enseignants ont abandonné le travail depuis un certain temps à Ruyigi. 17 parmi eux ont carrément fui leurs localités par crainte pour leur sécurité. Selon leurs familles, ces 17 enseignants sont des membres du FNL qui craignent pour leur sécurité suite aux persécutions dont ils sont victimes et opérées par les jeunes Imbonerakure en collaboration avec la police. Les 8 autres enseignants sont incarcérés à la prison de Ruyigi et accusés de coopérer avec des groupes armés. Il s’avère que ces détenus sont membres de différents partis de l’ADC-Ikibiri, selon toujours les familles. Ces dernières disent être désemparées et en difficultés car les seules sources de revenus provenaient du travail de ces enseignants. Elles demandent au gouvernement de pouvoir assurer la sécurité de tous. L’inspecteur provincial de l’enseignement à Ruyigi compte pour sa part demander l’autorisation d’embaucher d’autres enseignants pour remplacer les 25 manquants.
La RPA a pu contacter certains de ces enseignants dans leurs cachettes. Selon eux, il ne s’agit pas d’un secret de polichinelle qu’il y a un programme d’élimination des sympathisants des FNL d’Agathon Rwasa car avant même la fuite de ces enseignants, les jeunes du parti au pouvoir CNDD FDD leur avaient signalé de l’imminence de la traduction un acte de ce programme macabre. Un enseignant témoigne et énumère la liste des personnes déjà tuées et d’autres persécutées, raison pour laquelle ils ont préféré prendre la fuite. Cet instructeur a été averti par jeune militant du parti CNDD FDD qui s’est rendu compte de l’inutilité de verser le sang de ses compatriotes, néanmoins la compassion de ce jeune a failli causer sa perte raison pour laquelle il a lui aussi préféré s’exiler.
Les autorités administratives en province Ruyigi déclarent ignorer les conditions de ces enseignants dans la mesure où ils n’ont reçu aucun rapport à ce sujet. Pontien Hatungimana, conseiller principal du gouverneur a promis de recueillir des informations à ce sujet. Et à propos des réunions organisées en vue de cette chasse aux sorcières et ses auteurs, c’est dans nos éditions ultérieures.

Deux motards perdent le contrôle de leurs engins à Nyakabiga
Un motard a été grièvement blessé ce mardi soir après avoir cogné une voiture garée dans son côté vers 19h à l’Avenue de l’imprimerie en commune urbaine de Nyakabiga. L’une des jambes du motard risque d’être amputée, selon les témoignages sur place. Ce motard serait dans un état d’ébriété au moment de l’accident. La victime de l’accident et ceux qui étaient sur place demandent aux conducteurs surtout des motards de respecter le temps prévu et d’essayer d’éviter les boissons alcoolisées pendant le travail. A ce moment même un autre accident du même genre d’un motard s’est produit à cet endroit même. Côté police de roulage, Eustache Ntagahoraho, responsable de cette direction, indique qu’après le constat, les dossiers sont immédiatement acheminés au parquet. Les deux motos ont été réquisitionnées par la police la même nuit de ce mardi.

Politique
Une lueur d’espoir pour les jeunes mais le blé manque
A la fin des études, les jeunes ont du mal à trouver du travail. Le ministère de la Jeunesse, des Sports et de la Culture prévoit un fonds pour la promotion de l’entreprenariat des jeunes. Ce fonds, qui pèse 8 milliards de Fbu, ne sera pas fonctionnelle en 2012 car ne figurant pas sur la loi des finances exercice 2012.

Justice
Série d’arrestations à Cankuzo
16 individus originaires des communes Cendajuru et Gisagara de la province Cankuzo sont sous les verrous accusés de collaboration avec des groupes armés. Parmi les personnes emprisonnées se trouvent des cultivateurs, des commerçants, des infirmiers membres du parti FNL, UPD et 2 enseignants militants du parti MSD ont pris fuite. Leurs familles parlent d’un harcèlement lié à leurs opinions politiques et la responsabilité de leur incarcération est imputée au gouverneur de la province Cankuzo qui organisait des réunions, selon les familles des prisonniers, et après la capture commençait. Cela est arrivé après le passage d’une quarantaine d’hommes armés à Cendajuru dimanche dernier, selon la population de cette localité. Jean Berchimans Niragira, gouverneur de la province Cankuzo, nie ces accusations et indique que c’est au parquet de mener les enquêtes. Le procureur de la République à Cankuzo, lui, répond que ces arrestations sont liées aux enquêtes sur la mort de deux personnes tuées par des groupes armés.

Conflits fonciers à Kabezi
La population cultivatrice dans les terres domaniales de Kabezi est insatisfaite de la décision prise par leur administrateur de leur empêcher à cultiver. Pour cela, les habitants voient leurs cultures arrachées. Ces autorités déclarent avoir averti la population de la prise de cette mesure, il y a de cela une année.

Education
Le corps professoral au Collège communal Muhwa, en grève, réclame la réhabilitation d’un élève
Les enseignants du Collège communal Muhwa en commune Ryansoro, province Gitega sont en grève depuis ce lundi. A l’origine, le directeur de ce collège communal aurait fait échouer un élève de cette école qui avait réussi l’année passée en lui confectionnant un nouveau bulletin. Selon un de ces enseignants en grève, le directeur l’a ensuite exclu de l’établissement sans concerter ses collèges éducateurs de l’établissement. Ces enseignants demandent l’intervention du directeur provincial de l’enseignement à Gitega afin de reprendre leurs activités car, disent-ils, il est déjà au courant de la situation par le biais du directeur communal de l’enseignement en commune Ryansoro.

Des pédagogues égarés engrossent leurs élèves à Kirundo et Kayanza
De nouveaux cas d’enseignants qui violent les jeunes écoliers ou élèves sont signalés dans le nord du pays. A Kirundo, c’est un directeur d’école primaire de Minago en commune Mbwambarangwe qui est soupçonné d’avoir mis enceinte une écolière. Les pédagogues menacent de faire la grève car le présumé coupable est toujours en fonction. Le directeur communal de l’enseignant à Mwambarangwe indique être au courant de cette affaire et invite les parents de la victime à porter plainte. A Kayanza en commune Butaganzwa, un préfet des études d’une école secondaire est également accusé du même acte sur une élève. Le directeur provincial à Kayanza a été contacté à ce propos mais en vain. Le réseau des défenseurs des droits de l’homme à Kayanza interpelle la justice à punir ces enseignants indignes qui détruisent l’avenir des enfants leur confiés.

Sécurité sociale
Clarification de certains points entre les assureurs et la MFP
« L’Association des assureurs du Burundi ne peut pas indemniser les affiliés de la Mutuelle de la Fonction Publique « MFP » tant que la responsabilité pénale de son assureur n’est pas établit. » Propos de Thacien Sibomana, secrétaire exécutifs de l’Association des assureurs du Burundi après la réunion des assureurs qui s’est tenue ce mercredi. Notons aussi que dans cette réunion, les assureurs ont décidé d’écrire une lettre à la mutuelle afin de nommer une commission chargée d’étudier les différents cas d’accident.

Urbanisme
Les robinets sont là mais ils ne contiennent pas d’eau
Grogne des habitants de certains quartiers de la ville de Gitega à la veille de la réception des travaux d’adduction d’eau réalisée par l’entreprise Sogea Satom. Et pour cause, plusieurs robinets aménagés sont à sec depuis la fin des travaux. La Regideso rassure les bénéficiaires que bientôt ils pourront jouir de l’eau courante dans ces robinets.

Source: RPA

dimanche 23 octobre 2011

Burundi : vers la guerre civile ?

Le 21 octobre 2011. L’attentat du 18 septembre à Gatumba, au Burundi, a été le départ d’une nouvelle vague de conflits tribaux : est-ce le début d’une nouvelle guerre civile ? Les derniers développements des enquêtes de la police – apparemment très lentes et inefficaces selon la population et l’opposition politique – jettent une ombre sur l’action du gouvernement, suspecté d’avoir un rôle dans toute cette résurgence de violence.

Crise économique…

Le pays connaît en même temps une grave crise politique et économique, causée en grande partie par la guerre civile entre Hutu et Tutsi de 1993 et 2005. Après six ans de gouvernement de transition sous le contrôle ONU, les élections du 2005 étaient remportées par le parti CNDD-FDD (1) de Pierre Nkurunziza. La paix semblait restaurée, même si demeuraient encore des factions engagées dans la lutte armée – notamment le FNL (Front National de Libération) d’Agathon Rwasa, leader actuellement en exil au Congo. La situation économique du Burundi est aujourd’hui critique. Le PIB annuel par tête est estimé à 180 dollars, environ 80% de la population vit sous le seuil de pauvreté et 56,8% des enfants souffrent de malnutrition. Il n’y a pas de donnés détaillées sur le chômage et l’Indicateur de Développement Humain DH est de 0,282 (166ème pays au monde).

… et politique

Sur ces bases instables, les élections communales et présidentielles de 2010 on signé le début d’une nouvelle saison de crise. La légitimation du CNDD-FDD de Nkurunziza s’est affaiblie, vu l’incapacité du parti à réactiver la croissance économique et à maintenir la paix. Le gouvernement s’est montré très répressif envers les partis d’opposition – le FNL et le ADC-Ikibiri (Alliance Démocratique pour le changement). Même si sa côte de popularité était tombée au-dessous des minimums historiques, le CNDD a remporté encore la victoire électorale avec les 2/3 des votes aux communales du 25 mai: l’opposition a immédiatement dénoncé des fraudes, mais, contre toute attente, les observateurs de l’ONU et de l’UE ont estimé que les scrutins étaient réguliers. L’opposition s’est alors faite rapidement entendre avec de nombreuses manifestations, qui ont malheureusement dégénéré en émeutes, après la découverte de preuves de fraudes. Les leaders de l’opposition ont été arrêtés.

Cependant, en même temps, le secrétaire général de l’ONU Ban Ki-Moon se rendait dans le pays, poussant pour la reprise du processus électoral - mais en rendant visite seulement au président Nkurunziza sans commenter les fraudes et les arrestations. Cet acte a été considéré par les manifestants comme une sorte de légitimation par l’ONU de la prise de pouvoir…illégitime du gouvernement, envenimant ainsi indirectement les rivalités politiques.

Le FNL invitait à boycotter le processus électoral des présidentielles du 26 juin, continuant par ailleurs les manifestations, sitôt réprimées par la force par le gouvernement (2). Les élections ont été remportées encore par Nkurunziza et ont marqué le début d’une nouvelle période de suppression de toute opposition politique, vue comme « source d’instabilité » pour le pays. Jusqu’à l’été 2011, les oppositions continuaient leur lutte politique de manière relativement pacifique, même si l’on assistait encore à des violences de la part de groupes paramilitaires indépendants. Human Rights Watch a par exemple rapporté des meurtres d’ex-leaders du FNL en juillet, août et septembre.

L’attentat de Gatumba

Le vrai tournant est venu avec l’attentat de Gatumba du 18 septembre : au bar « Chez les amis », des hommes armés en uniforme militaire ont fermé les sorties du bâtiment et fait feu, tuant 26 personnes (39 selon des sources alternatives). Selon des sources locales, une des victimes était affiliée au parti de gouvernement. Le Président, après avoir rendu visite à la ville et déclaré trois jours de deuil, a annoncé l’institution d’une commission d’enquête sur l’affaire.

L’attentat a signé le début d’une nouvelle période d’instabilité : en l’espace d’une semaine environ, dans tous les recoins du pays on a assisté à des manifestations anti-gouvernamentales et des émeutes localisées – un possible retour à la guerre civile, selon certains analystes.

L’implication du gouvernement ?

La fuite d’informations concernant l’enquête du 9 octobre a contribué au regain de tensions au sein du pays. Les autorités semblent condamner Agathon Rwasa comme organisateur de l’attentat, en collaboration avec l’ADC. Le FNL et l’ADC ont immédiatement nié ces accusations, mais le gouvernement continue à produire des preuves contre eux, même si cela est de manière discutable. Car tout n’est pas clair…

De nombreux journalistes ont en effet dénoncé les différents points obscurs de l’attentat : par exemple, la police avait mystérieusement « disparu » des environs du lieu de l’attentat juste quelques minutes avant l’attaque ; le gouvernement a interdit aux médias de parler de l’attentat ; les leaders de l’opposition ont été perquisitionnés et arrêtés sans motif. En outre, sur des motifs très fragiles, des journalistes radio ont été interrogés par la police sur leur possible participation à l’attentat. Sur ces bases, la presse et les analystes locaux (3) suspectent fortement que le gouvernement a eu un rôle actif dans l’attaque.

A vrai dire, l’hypothèse est tentante : il n’est pas difficile voir que Nkurunziza a un intérêt à cette situation, vue ses tendances absolutistes démontrées dans les années passées. L’attaque lui donne la possibilité de « légitimer » la répression violente contre l’opposition et de renforcer son pouvoir.

Mais si cela était avéré, le Président n’aurait alors pas prévu un élément assez simple: sa stratégie de créer chaos pour imposer sa « dictature légalisée » n’aurait pas de sens, car la répression indiscriminée des libertés civiles forcera l’opposition à manifester sans cesse contre un gouvernement qui ne sait que répondre pat la force. Le résultat de ce cocktail est l’escalade de violence qui, dans un pays si instable, pourra rouvrir les portes de la guerre civile.

1. Conseil National pour la défense de la démocratie – Force pour la défense de la démocratie
2. Cf. le rapport de Human Rights Watch sur la violence du gouvernement contre l’opposition, la presse, les agents internationaux et ONU aussi (en anglais) : http://www.hrw.org/en/reports/2010/11/23/closing-doors-1
3. Cf., par ex.: http://www.burunditransparence.org/scepticisme_accusation.html
http://burundi.news.free.fr/actualites/massacresodieuxgatumba.html
http://burundi.news.free.fr/actualites/cnddfddgatumba.html

Giuliano Luongo est un économiste de l’Université Federico II à Naples en Italie, analyste sur www.UnMondeLibre.org.

Source: unmondelibre.org