« Un pas en arrière » – Torture et autres mauvais traitements aux mains du service de renseignement burundais
Résumé du rapport « A Step Backwards » - Torture and other Ill-Treatment by Burundi’s National Intelligence Service
Date: August 23 2010 - AI Index: AFR 16/002/2010
Résumé
Les informations faisant état de tortures infligées par des membres du Service national de renseignement (SNR) au Burundi ont diminué ces dernières années. C’était là un signe de progrès remarquable en matière de respect des droits humains de la part d’un service qui ne faisait souvent que peu de cas de la loi.
Toutefois, pendant deux semaines fin juin et début juillet 2010, le SNR a de nouveau recouru à la torture, ce qui constitue un pas en arrière et un revers pour le respect et la protection des droits fondamentaux au Burundi. S’appuyant sur les recherches réalisées sur le terrain par une délégation d’Amnesty International pendant trois semaines en juillet 2010, le présent document de synthèse met en évidence la réapparition de cette pratique.
Du 23 juin au 5 juillet 2010, des observateurs des droits humains – parmi lesquels figurait Amnesty International – ont recueilli des informations sur les tortures qui auraient été infligées par le SNR à 12 personnes. Ces personnes, membres de partis d’opposition, ont été arrêtées car elles étaient accusées d’avoir menacé la sûreté de l’État lors d’une série d’attaques à la grenade. Le SNR, en collaboration avec la police, a employé la torture physique et psychologique pour tenter d’arracher des informations à ces personnes et les contraindre à « avouer ».
Amnesty International reconnaît qu’il incombe aux États de protéger leurs citoyens. Les autorités burundaises ne peuvent cependant pas avancer des raisons de sécurité pour justifier ou tolérer la torture et d’autres formes de mauvais traitements. Même en période d’insécurité ou dans d’autres situations d’urgence, la torture reste prohibée en tout temps aux termes du droit international.
Les Nations unies et le corps diplomatique ont rapidement porté ces cas à l’attention du gouvernement burundais. À la suite de leur intervention, Amnesty International n’a pas reçu d’autres allégations de torture mettant en cause le SNR. Les violations des droits humains qui auraient été commises sont toutefois restées impunies à ce jour. Si on ne met pas fin à l’impunité, les périodes de crise politique ou d’insécurité continueront d’être marquées par une nouvelle détérioration du respect des droits humains.
Amnesty International engage les autorités burundaises à suspendre tous les agents soupçonnés d’avoir participé à des actes de torture, ainsi que les responsables qui ont ordonné ou toléré ces actes, en attendant que soit diligentée une enquête indépendante et impartiale, qui devrait aboutir à l’engagement de poursuites contre les tortionnaires présumés.
Amnesty International prie aussi instamment le gouvernement burundais de mettre fin à l’impunité. L’investiture le 26 août 2010 du président Pierre Nkurunziza offre l’occasion d’affirmer en public que la lutte contre l’impunité sera au nombre des priorités du nouveau gouvernement. Le président Nkurunziza devrait veiller à ce que les personnes nommées à des postes clés de ce nouveau gouvernement aient par le passé respecté les droits humains. Il faudrait aussi que son programme législatif inclue des mesures fermes visant à endiguer l’impunité et à traduire en justice les responsables présumés d’atteintes présentes comme passées aux droits humains.
Méthodologie
Une délégation d’Amnesty International s’est rendue au Burundi du 5 au 24 juillet 2010 pour enquêter sur une série de préoccupations en matière de droits humains dans le contexte des élections. Les délégués ont effectué des recherches en Mairie de Bujumbura et dans les provinces de Ngozi et de Gitega. Ils se sont notamment entretenus avec des détenus des prisons de Mpimba, Ngozi et Gitega et du centre de détention du SNR à Bujumbura. Les entretiens ont été menés en privé, en français ou en kirundi avec traduction en français. Pour des raisons de sécurité, les noms des personnes interviewées et certaines informations permettant de les identifier ne sont pas divulgués.
Les délégués d’Amnesty International ont interviewé plusieurs victimes de violations des droits humains. Ils ont discuté avec des responsables de l’opposition inculpés de menaces à la sûreté de l’État ou accusés de participation aux attaques à la grenade. Certains avaient été torturés et soumis à d’autres mauvais traitements (détaillés plus bas dans le présent document), tandis que de nombreux autres n’avaient pas été maltraités. Ils ont aussi discuté avec des personnes témoins d’importantes violences politiques.
Les délégués ont rencontré le ministre de l’Intérieur et le conseiller juridique du SNR. Ils ont interviewé des membres d’organisations non gouvernementales locales et internationales, des journalistes, des diplomates et des représentants des Nations unies.
Contexte
Conjoncture politique et situation des droits humains
Le SNR a recommencé à recourir à la torture alors que la situation sécuritaire et politique du Burundi se détériorait à la suite des élections municipales du 24 mai 2010. Le parti au pouvoir, le Conseil national pour la défense de la démocratie - Forces pour la défense de la démocratie (CNDD-FDD), a remporté ces élections avec 64 % des suffrages. Les observateurs nationaux et internationaux ont noté des « irrégularités » mais ont jugé les élections libres et équitables dans l’ensemble. Certains d’entre eux ont signalé des actes d’intimidation dans la période préélectorale. Les résultats ont été contestés par les partis d’opposition, qui ont dénoncé une fraude électorale massive et ont annoncé début juin qu’ils boycotteraient l’élection présidentielle du 28 juin 2010. Du fait de leur retrait, le président Nkurunziza était le seul candidat.
Pendant la période préélectorale, le CNDD-FDD et les Forces nationales de libération (FNL) auraient agressé et tué en toute illégalité des opposants politiques ainsi que des militants de leurs propres rangs qui avaient critiqué leur parti. Le CNDD-FDD a mobilisé ses jeunes affiliés, regroupés au sein du mouvement des Imbonerakure ; ces éléments ont, semble-t-il, souvent été vus armés de bâtons ou de gourdins, et escortant des représentants des pouvoirs publics qui procédaient à des arrestations ou menaient des patrouilles de quartier. Les partis d’opposition, notamment l’Union pour la paix et le développement (UPD-Zigamibanga), le Mouvement pour la solidarité et la démocratie (MSD) et le FNL, se sont régulièrement vu interdire de tenir des réunions . La campagne présidentielle, qui a débuté le 12 juin, a été marquée par des violences politiques. Plus de 30 locaux de partis ont été incendiés, essentiellement dans l’intérieur du pays, la grande majorité des locaux réduits en cendres appartenant au CNDD-FDD, le parti au pouvoir. Les attaques à la grenade se sont intensifiées ; au moins 116 ont été dénombrées entre le 1er juin et le 8 juillet. La plupart ont eu lieu après le coup d’envoi de la campagne présidentielle et près de la moitié ont touché Bujumbura, la capitale, et ses environs, y compris la province urbaine de Bujumbura-Mairie . Un grand nombre de ces attaques avaient pour cible le parti au pouvoir, le CNDD-FDD.
Ces violences politiques se sont déroulées dans un climat de détérioration générale de la situation des droits humains. Un nombre significatif de membres de partis d’opposition ont été arrêtés. Certains ont par la suite été inculpés de menaces à la sûreté de l’État dans le cadre des enquêtes menées par les pouvoirs publics sur les attaques à la grenade et les incendies de locaux de partis. D’autres ont été accusés d’avoir tenu des « réunions illégales » après qu’eurent été mises en place des restrictions illégales à la liberté de réunion pacifique des représentants de l’opposition. Le domicile et les bureaux de nombreux membres de l’opposition ont été perquisitionnés, parfois sans que les autorisations requises en vertu de la législation burundaise aient été obtenues. Les autorités ont affirmé devoir mener ces perquisitions pour chercher des armes ou des éléments prouvant l’intention de déstabiliser la sécurité.
Le Service national de renseignement (SNR)
Le Service national de renseignement (SNR) dispose d’un large mandat et opère souvent sans guère se préoccuper de la loi. Les Burundais l’appellent couramment la « Documentation nationale », nom du service qui l’a précédé, ou la « police présidentielle », car l’administrateur général du service, le général Adolphe Nshimirimana, est placé sous l’autorité directe du président Nkurunziza.
En 2005 et 2006, les allégations de torture mettant en cause les agents du SNR n’ont jamais fait l’objet d’enquêtes approfondies et n’ont pas donné lieu à de véritables poursuites . De graves violations des droits humains, y compris des actes de torture, ont été perpétrées contre des civils considérés comme des sympathisants du FNL, qui était alors un groupe d’opposition armé. Les agents des services de renseignement auraient aussi participé en 2006 à des exécutions extrajudiciaires dans la province de Muyinga mais aucun d’entre eux n’a été poursuivi en justice, tandis que 14 soldats et un officier ont été déclarés coupables de ce crime.
Le SNR s’est efforcé ces dernières années d’améliorer son image. Les Nations unies et des groupes burundais de défense des droits humains ont eu plus facilement accès aux lieux de détention. Selon les informations reçues, le traitement des personnes détenues dans les locaux du SNR s’est nettement amélioré et la torture y a été quasiment éliminée. Le nouveau Code pénal du pays (2009), qui a érigé la torture en infraction dans le droit interne, ainsi que la formation dispensée au personnel du SNR par la Commission de consolidation de la paix des Nations unies ont pu contribuer à cette amélioration.
Torture
Torture et autres mauvais traitements aux mains du SNR (23 juin – 5 juillet 2010) Du 23 juin au 5 juillet 2010, le SNR a recommencé à employer la torture, pratique qui avait disparu ces dernières années. Au cours de cette période, 12 personnes auraient été torturées par le SNR, au siège du service situé à Bujumbura . Leur arrestation a eu lieu dans le cadre des enquêtes diligentées par le gouvernement burundais sur les récentes attaques à la grenade. Certaines ont été interpellées par le SNR, d’autres au cours d’opérations menées conjointement par le SNR et la police . La plupart ont été inculpées d’infractions liées à la sécurité et transférées à la prison de Mpimba. L’une au moins de ces personnes a été relâchée sans inculpation.
Les personnes qui ont semble-t-il été torturées étaient membres de partis d’opposition, certaines occupant des responsabilités au sein de leur parti. Elles avaient parfois été élues aux élections municipales, mais avaient choisi de renoncer à leur poste. La plupart appartenaient au FNL, parti politique d’opposition enregistré en 2009 et créé à partir du dernier groupe d’opposition armé à être démobilisé. Des détenus affiliés à au moins deux autres partis d’opposition ont eux aussi été torturés.
Les détenus interviewés par Amnesty International ont livré des témoignages concordants et crédibles selon lesquels ils avaient été frappés à plusieurs reprises par des agents du SNR durant les interrogatoires. Ils ont été giflés, ont reçu des coups de pied et de matraque sur tout le corps, y compris le visage, les pieds et les organes génitaux, pendant qu’on leur posait des questions sur la structure, les autres membres et les projets présumés de leur parti pour déstabiliser la sécurité nationale. Dans un cas particulièrement grave, une petite partie de l’oreille d’un détenu a été sectionnée et celui-ci aurait été contraint de la manger. Le détenu a affirmé qu’il avait dû boire le sang qui coulait de son nez alors qu’il tentait de faire cesser le saignement provoqué par les coups reçus.
Les personnes interrogées par Amnesty International semblent avoir été détenues au secret pendant au moins quelques jours, sans pouvoir consulter un avocat ni recevoir de soins médicaux. Elles ont été présentées à un procureur dans les sept jours qui ont suivi leur arrestation, délai dont dispose la police en vertu de la loi pour mener à bien son enquête et inculper ou relâcher les suspects.
Le recours à la torture physique a été confirmé par les Nations unies et des organisations burundaises de défense des droits humains au moment des faits. Amnesty International a recueilli des informations venant corroborer ces allégations et a vu des photos correspondant aux blessures infligées. Le conseiller juridique du SNR en personne a déclaré à l’organisation que des détenus avaient peut-être été blessés, mais a affirmé que cela s’était produit lorsqu’ils avaient tenté de résister pour ne pas être arrêtés .
Les suspects ont aussi été soumis à une torture psychologique pendant qu’on les interrogeait. Ils ont raconté qu’ils avaient été menacés de mort tandis que les agents du SNR tentaient de leur extorquer des « aveux » ou des informations. Au moins un détenu a déclaré avoir signé un document sous la contrainte.
L’un d’entre eux a déclaré à Amnesty International :
« Ils ont demandé à la police de creuser une tombe pour moi. Ils ont dit que je devais choisir entre la vie et la mort. Ils voulaient que je leur donne des informations à propos des grenades lancées par le FNL durant la campagne [électorale] en échange de la vie. »
Un autre détenu aurait été caché lors d’une visite de représentants du Bureau intégré des Nations unies au Burundi (BINUB). Il a expliqué qu’on l’avait jeté dans une voiture et qu’on lui avait dit de « faire ses prières pour la dernière fois » avant de l’emmener. Des armes étaient apparemment placées devant les détenus pendant les interrogatoires, ce qui semble s’apparenter à une menace implicite de mort.
Les détenus ont systématiquement affirmé que des hauts fonctionnaires du SNR et des hauts gradés de la police assistaient aux interrogatoires pendant qu’on les torturait. Dans certains cas, ils auraient infligé des tortures physiques et psychologiques aux suspects. Dans d’autres, il semble que ces sévices aient été le fait d’agents du SNR de rang subalterne, sur les ordres de leurs supérieurs ou avec leur consentement.
Les détenus ont subi d’autres formes de mauvais traitements ; au moins deux d’entre eux ont été enfermés dans les toilettes, les mains menottées, pendant plusieurs jours d’affilée.
Les obligations nationales et internationales du Burundi en matière de droits humains
En 1993, le Burundi a adhéré à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Convention contre la torture), qui prohibe le recours à la torture en tout temps et en toutes circonstances . Le pays est également signataire de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples (1981), qui interdit la torture . Bien que les autorités burundaises aient le devoir de protéger les citoyens contre les actes de violence, d’enquêter sur les attaques à la grenade et d’en poursuivre les auteurs, la Convention et la Charte disposent explicitement que la torture ne peut en aucun cas être justifiée.
En vertu de l’article 12 de la Convention contre la torture, les États sont tenus de procéder immédiatement à une enquête impartiale sur les allégations de torture, même si les victimes présumées n’ont pas porté plainte . Le gouvernement burundais n’a pas à ce jour satisfait à cette obligation. La Convention exige des États qu’ils enquêtent et engagent des poursuites contre les agents de la fonction publique qui donnent leur consentement exprès ou tacite à la torture, tout comme contre ceux qui la pratiquent directement. Les victimes de torture doivent en outre recevoir réparation, y compris les moyens nécessaires à leur réadaptation. Il faut enfin que les États veillent à ce que les déclarations ou les « aveux » obtenus par la torture ne soient jamais utilisés au cours d’une procédure judiciaire, si ce n’est contre la personne accusée de torture .
L’article 5 de la Déclaration universelle des droits de l’homme proclame : « Nul ne sera soumis à la torture, ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ». L’article 7 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), ratifié par le Burundi en 1990, prohibe le recours à la torture et à d’autres formes de mauvais traitements, et l’article 10 reconnaît le droit de toutes les personnes privées de liberté d’être traitées avec humanité .
Depuis la promulgation du Code pénal de 2009, le Burundi a érigé la torture en infraction dans son droit interne, assurant ainsi la conformité de ce texte avec la Convention contre la torture. La torture et les autres traitements cruels, inhumains ou dégradants sont passibles d’une peine d’emprisonnement de 10 à 15 ans et d’une amende de 100 000 à 1 000 000 francs burundais. Lorsque cette infraction est commise avec usage ou menace d’une arme, elle est punie d’une peine privative de liberté de 20 ans .
La réaction des autorités burundaises
Au cours d’une réunion, Amnesty International a présenté les données qu’elle avait recueillies sur les actes de torture commis par le SNR au conseiller juridique du service, M. Jérôme Kantanta . Celui-ci a déclaré :
« À un certain moment, entre le 3 et le 5 juillet, le bruit a couru ici et là que la torture avait été pratiquée au Service [SNR]. [...] Il n’y a pas ce genre de choses, il n’y a pas de torture. C’est déjà une infraction dans notre Code pénal. »
Selon M. Kantanta, les personnes arrêtées appartenaient à un réseau désireux de déstabiliser les élections. Il a affirmé que nombre d’entre elles avaient tenté de s’opposer violemment à leur interpellation, et a fait remarquer que l’entourage de l’un des suspects avait tiré des coups de feu en direction des agents du SNR alors qu’ils tentaient de l’arrêter. Le suspect en question a de son côté déclaré à Amnesty International que les agents du SNR avaient tiré en l’air lors de son arrestation.
Selon M. Kantanta, les marques que les détenus pouvaient présenter sur le corps avaient été provoquées par les blessures subies lors de leur arrestation. Toutefois, certaines de leurs lésions corporelles, par exemple des pieds très enflés, semblent avoir été entraînées par des coups assénés à plusieurs reprises pendant de longs moments. L’incision de l’oreille d’un détenu ainsi que les signes de traumatisme psychologique semblent quand à eux être le résultat de tortures et d’autres mauvais traitements en détention. Les lésions corporelles et les signes de traumatisme psychologique ne paraissent donc pas concorder avec les explications fournies par le conseiller juridique du SNR.
À la question de savoir si le SNR avait diligenté une enquête sur ces allégations de torture, M. Kantanta a répondu qu’aucune information administrative ou judiciaire n’avait été ouverte. Il a affirmé que, les détenus ayant été transférés à la prison de Mpimba, il serait impossible pour le SNR de les interroger, ce qui ferait obstacle à une enquête « équilibrée ». Il a toutefois indiqué que le SNR avait tenu une réunion en urgence en présence de l’administrateur général adjoint et d’autres agents du SNR lorsque les Nations unies ont pour la première fois évoqué ces allégations. Toutes les personnes présentes à cette réunion ont nié avoir participé à des actes de torture. Le SNR n’a pas, semble-t-il, tenté d’interroger les personnes soupçonnées d’avoir commis ces actes en privé ou en l’absence de leurs supérieurs.
Le ministre de l’Intérieur, M. Édouard Nduwimana, s’est dit inquiet au sujet des données recueillies par Amnesty International, sans toutefois être en mesure de les confirmer ou de les démentir. Il a ajouté que des cas de torture pouvaient « quelques fois » se produire, et qu’il était nécessaire d’approfondir la formation des organes chargés du maintien de l’ordre public. Il a cependant émis l’opinion que, « parfois, la torture [pouvait] permettre de connaître la vérité ». Amnesty International exhorte le gouvernement à condamner la torture en tout temps et en toutes circonstances.
L’intervention de la communauté internationale
Les Nations unies ont transmis aux autorités burundaises des informations sur les cas de torture, en identifiant les personnes soupçonnées d’y avoir participé. L’organisation travaille avec le gouvernement du pays pour révéler les faits à l’origine des allégations de torture, dans l’espoir que celui-ci ouvrira une information judiciaire.
Les diplomates avec lesquels Amnesty International s’est entretenue ont été unanimes à condamner l’usage de la torture par le SNR. L’un d’entre eux a dit :
« Ils [le SNR] étaient mieux perçus ces dernières années, mais ils sont revenus à leurs anciennes pratiques. C’est une structure qui rencontre des difficultés à respecter la loi. »
Un autre a déclaré :
« Le SRN a déployé des efforts pour s’améliorer, mais ils ont fait un pas en arrière. »
Les diplomates avaient fait part de leurs préoccupations aux autorités burundaises, y compris au SNR et à la police. Nombre d’entre eux souhaitaient que le président, après son élection, suspende les fonctionnaires impliqués dans ces violations des droits humains dans l’attente d’une enquête judiciaire.
Recommandations
Le gouvernement burundais doit :
• Condamner publiquement et sans réserve la torture, les mauvais traitements et d’autres graves violations des droits humains ;
• Déclarer que tout fonctionnaire, y compris les agents du SNR et de la police, qui inflige des tortures ou d’autres mauvais traitements, ordonne de recourir à ces pratiques ou leur donne son consentement exprès ou tacite sera poursuivi en justice quel que soit son rang ;
• Suspendre tous les agents soupçonnés d’avoir participé à des actes de torture, ainsi que les responsables qui ont ordonné ou toléré ces actes, quel que soit leur rang, en attendant que soit diligentée une enquête indépendante et impartiale ;
• Ouvrir dans les plus brefs délais une enquête judiciaire indépendante et impartiale sur ces cas de torture, rendre publics les résultats de cette enquête et engager des poursuites contre les agents du SNR, les policiers et d’autres fonctionnaires soupçonnés de ces infractions ;
• S’assurer que toutes les victimes de torture ont véritablement droit à réparation, et qu’elles bénéficient notamment d’une assistance pour ouvrir une procédure contre les agents de la force publique présumés responsables, de réparations pour le préjudice subi et des soins médicaux adaptés ;
• Faire en sorte que les officiers de police judiciaire et les procureurs consignent les traces de torture et qu’une enquête soit menée sans délai sur les allégations ou les preuves de torture ou d’autres mauvais traitements ;
• Garantir que les « aveux » ou les éléments obtenus sous la torture ne seront pas recevables devant un tribunal, hormis dans le cadre de poursuites visant une personne accusée de torture ou d’autres mauvais traitements ;
• Veiller à ce que les personnes détenues par le SNR soient examinées par un médecin indépendant dès leur arrestation et puissent recevoir régulièrement des soins médicaux en détention ;
• Veiller à ce que tous les détenus aient accès à un avocat dans les 24 heures suivant leur arrestation et durant tous les interrogatoires.
La communauté internationale doit :
• Encourager le gouvernement burundais à s’assurer que les agents du SNR et d’autres fonctionnaires respecteront à l’avenir le droit international relatif aux droits humains et le droit interne ;
• L’engager à suspendre tous les agents soupçonnés d’avoir participé à des actes de torture, ainsi que les responsables qui ont ordonné ou toléré ces actes, en attendant que soit diligentée une enquête indépendante et impartiale ;
• Continuer à le prier instamment d’enquêter pleinement sur les cas établis dans le présent document, de rendre publics les résultats des enquêtes et d’engager des poursuites contre les agents soupçonnés de ces infractions.
Le Bureau intégré des Nations unies au Burundi (BINUB) doit :
• Continuer d’enquêter sur les violations du droit international relatif aux droits humains et de la législation burundaise par les agents du SNR et d’autres fonctionnaires, et de dénoncer ces violations, et évoquer régulièrement ces préoccupations auprès du gouvernement en l’engageant à prendre des mesures spécifiques pour mettre fin aux atteintes aux libertés fondamentales.
Le Conseil de sécurité des Nations unies doit :
• Proroger le mandat du Bureau intégré des Nations unies au Burundi (BINUB) ;
• S’assurer que le BINUB dispose des ressources et du personnel suffisants pour pour poursuivre efficacement ses activités de suivi et de notification de violations des droits humains, y compris par des visites régulières dans les lieux de détention.
L’expert indépendant chargé d’examiner la situation des droits de l’homme au Burundi doit :
• Mener une enquête sur ces cas de torture ;
• Faire part aux autorités burundaises des préoccupations relatives à la torture et aux autres mauvais traitements.
Notes
[i] Au cours de la même période, des observateurs des droits humains ont établi l’existence de nombreux autres cas de torture et d’autres formes de mauvais traitements dans les lieux de détention de la police. Les délégués d’Amnesty International n’ont pas pu effectuer de recherches sur ces cas lors de leur visite au Burundi ; ils ne sont donc pas abordés dans le présent document.
[ii] Entretien avec des représentants du Haut-Commissariat aux droits de l’homme (HCDH), BINUB, 12 juillet 2010, Bujumbura (Burundi) ; entretiens avec plusieurs diplomates, 8, 22 et 23 juillet 2010, Bujumbura (Burundi).
[iii] Rapport 2010 d’Amnesty International.
[iv] Carte des attaques intervenues durant la période électorale, du 1er juin au 8 juillet 2010, BINUB.
[v] Amnesty International, Burundi : Briefing to the Committee against Torture (AFR 16/016/2006), novembre 2006.
[vi] Amnesty International, Burundi. Exécutions extrajudiciaires à Muyinga : d’anciens réfugiés au nombre des victimes, déclaration publique (AFR 16/019/2006), 21 novembre 2006.
[vii] Statistiques des Nations unies, conservées dans les archives d’Amnesty International.
[viii] Les agents du SNR qui sont des officiers de police judiciaire (OPJ) sont habilités à procéder à des arrestations. D’autres agents de ce service, y compris d’anciens combattants démobilisés, officiellement au service du SNR ou entretenant des liens lâches avec celui-ci, ne disposent pas de cette prérogative.
[ix] Entretien avec M. Jérôme Kantanta, conseiller juridique du SNR, 22 juillet 2010.
[x] Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Convention contre la torture), adoptée le 10 décembre 1984, rés. 39/46 de l’Assemblée générale, annexe, 39 UN GAOR suppl. n° 51, doc. ONU A/39/51 (1984), entrée en vigueur le 26 juin 1987, ratifiée par le Burundi le 18 février 1993, article 2.
[xi] Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, adoptée le 27 juin 1981, entrée en vigueur le 21 octobre 1986, article 5.
[xii] Convention contre la torture, article 12.
[xiii] Convention contre la torture, articles 1 et 4.
[xiv] Convention contre la torture, article 14.
[xv] Convention contre la torture, article 15.
[xvi] Déclaration universelle des droits de l’homme, rés. 217A (III) de l’Assemblée générale, doc. ONU A/810 (1948), article 5.
[xvii] Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), adopté le 16 décembre 1966, rés. 2200A (XXI) de l’Assemblée générale, 22 UN GAOR suppl. n° 16, doc. ONU A/6316 (1966), 999 U.N.T.S. 171, entré en vigueur le 23 mars 1976, ratifié par le Burundi le 9 mai 1990, articles 7 et 10.
[xviii] Loi n° 1 / 05 du 22 avril portant révision du Code pénal, article 205. Amende comprise entre 60 € et 600 € environ en août 2010.
[xix] Loi n° 1 / 05 du 22 avril portant révision du Code pénal, article 206.
[xx] Entretien avec M. Jérôme Kantanta, conseiller juridique du SNR, 22 juillet 2010.
[xxi] Entretien avec le ministre de l’Intérieur, M. Edouard Nduwimana, 21 juillet 2010, Bujumbura (Burundi).
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