(Londres, le 6 octobre 2011) – Le gouvernement du Burundi devrait renforcer son soutien à la Commission nationale indépendante des droits de l'homme (CNIDH), récemment mise sur pied, ont déclaré jeudi 6 octobre Amnesty International, le Projet des défenseurs des droits de l’homme de l’Est et de la Corne de l’Afrique et Human Rights Watch. Ces organisations ont ajouté que cet appui du gouvernement était d’autant plus crucial que le Conseil des droits de l'homme de l’ONU avait prématurément mis fin au mandat de l’expert indépendant sur la situation des droits humains au Burundi.
Le fait que le Conseil des droits de l'homme ait mis fin à ce mandat le 30 septembre 2011 porte un coup à la circulation d’informations indépendantes sur les droits humains au Burundi à une période critique, alors que les homicides à caractère politique commis en toute impunité se multiplient. Le gouvernement du Burundi et le Groupe des États africains du Conseil des droits de l'homme avaient à plusieurs reprises entravé et repoussé la présentation des rapports de l’expert indépendant devant le Conseil. Celui-ci n’avait pas été en mesure de soumettre de rapports entre septembre 2008 et juin 2011, lors même que la présentation d’un rapport annuel est la règle.
La CNIDH montre des signes prometteurs depuis sa création au mois de juin, date à laquelle ses membres ont prêté serment. Toutefois, elle n’a toujours pas reçu l’accréditation du Comité international de coordination des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme, chargé d’évaluer si les institutions nationales répondent aux exigences des Principes de Paris. La CNIDH a besoin d’un soutien financier accru de la part du gouvernement du Burundi et des pays donateurs, afin d’enquêter sur les atteintes aux droits humains et d’en rendre compte efficacement.
Par ailleurs, le gouvernement du Burundi devrait mettre en œuvre sans délai les recommandations faites en juin par l’expert indépendant, en vue de lutter contre l’impunité et de garantir la liberté d'expression. Amnesty International, le Projet des défenseurs des droits de l’homme de l’Est et de la Corne de l’Afrique et Human Rights Watch estiment que ces mesures sont capitales en vue de mettre un terme aux homicides et de lever les restrictions imposées aux médias quant à la couverture des épisodes de violences.
Au cours des dernières semaines, les tensions se sont amplifiées au Burundi. Le 18 septembre, entre 30 et 40 personnes sont mortes dans un massacre à Gatumba, ce qui en fait l’épisode de violence le plus meurtrier des dernières années. On attend toujours que soient confirmées les circonstances du massacre, ainsi que l’identité des auteurs. Plusieurs membres, actuels ou anciens, du mouvement d’opposition des Forces nationales de libération (FNL) ont été tués en juillet et août. D’autres se sont réfugiés dans la clandestinité après avoir reçu des menaces.
Au lendemain du massacre de Gatumba, le gouvernement a restreint l’activité des médias. Le 20 septembre, le Conseil national de sécurité du Burundi a ordonné aux journalistes de ne pas publier, commenter ni analyser les informations relatives aux enquêtes en cours sur ce massacre et d’autres dossiers en cours d’instruction. Ce silence imposé aux médias porte gravement atteinte à la liberté d'expression. Il s’inscrit dans le sillage des citations à comparaître et des actes d’intimidation qui ciblent d’éminents journalistes et militants de la société civile depuis quelques mois.
Dans son rapport remis en juin, l’expert indépendant a engagé le gouvernement du Burundi à allouer aux commissions nationales d’enquête les ressources nécessaires pour agir efficacement, ou à enquêter et engager des poursuites par le biais du système judiciaire classique. Cependant, plusieurs mois après leur création, un certain nombre de commissions chargées d’enquêter sur les exécutions extrajudiciaires et les atteintes aux droits humains commises avant, pendant et après les élections de 2010 n’ont toujours pas rendu leurs conclusions publiques. En outre, les poursuites judiciaires engagées pour ces crimes n’ont pas abouti. Le gouvernement doit veiller à ce que la commission chargée d’enquêter sur le massacre de Gatumba rende compte publiquement de ses conclusions. Il importe d’engager des poursuites contre toute personne qu’elle identifiera comme responsable.
Amnesty International, le Projet des défenseurs des droits de l’homme de l’Est et de la Corne de l’Afrique et Human Rights Watch invitent le gouvernement du Burundi à :
· apporter une aide financière suffisante à la Commission nationale indépendante des droits de l'homme;
· enquêter sur les homicides à caractère politique, notamment sur les meurtres de Gatumba, et poursuivre les responsables présumés ;
· rendre publiques les conclusions des commissions d’enquête sur les exécutions extrajudiciaires et les atteintes aux droits humains commises avant, pendant et après les élections de 2010 ;
· permettre aux journalistes de travailler librement, notamment en annulant l’ordre qui leur a été donné de ne pas diffuser d’informations sur les homicides de Gatumba et d’autres dossiers en cours d’instruction ;
· informer régulièrement le Conseil des droits de l'homme de l’ONU des mesures prises en vue de mettre en œuvre les recommandations de l’expert indépendant.
Complément d’information
Lors des sessions du Conseil des droits de l'homme de juin et septembre 2011, le gouvernement du Burundi, avec l’appui d’autres États africains, s’est opposé au maintien du mandat de l’expert indépendant. Dans sa résolution 9/19 adoptée en septembre 2008, le Conseil l’avait prorogé jusqu’à la mise en place d'une commission nationale indépendante des droits de l'homme au Burundi.
Dans le cadre de cette résolution, le Conseil invitait également l’expert indépendant à lui faire rapport sur ses activités lors de la session faisant suite à la création de la commission. Interprétant ces dispositions, une résolution présentée par le Sénégal au nom du Groupe des États africains et adoptée par le Conseil le 30 septembre 2011 a conclu que le mandat avait expiré lorsque l'expert indépendant avait présenté son rapport au Conseil en juin 2011, au lendemain de la création de la CNIDH et de la nomination de ses membres.
Le Comité international de coordination des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l'homme est chargé de délivrer l’accréditation aux institutions nationales qui respectent les Principes de Paris, ensemble de normes évaluant leur efficacité et leur indépendance. Les institutions qui respectent pleinement ces Principes reçoivent le statut « A ». Lorsque la Commission burundaise fera une demande d’accréditation, le Comité évaluera sa conformité avec les Principes de Paris.
Source: Human Rights Watch
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