Selon un récent classement publié par l'ONG Transparency International, le Burundi est le pays le plus corrompu d'Afrique de l'Est. Malgré les traités signés et les organes de lutte récemment créés, le pays s'enlise dans la petite et la grande corruption, ainsi que l'impunité. Le travail des associations est de plus en plus compliqué.
"Ces derniers temps, le combat contre la corruption reste une illusion", déplore un cadre d'une association en lutte contre ce fléau. Le Burundi dispose pourtant d'un arsenal juridique et a ratifié plusieurs traités internationaux en la matière, notamment la Convention des Nations unies en 2006 et la Convention de l'Union africaine en 2005. Durant la même période, sont nées la Cour anti-corruption et la Brigade anti-corruption, deux organes gouvernementaux dans lesquels les gens plaçaient une grande confiance.
Malgré cet arsenal de lois et d'organes de lutte, la corruption est toujours très présente. Fin juillet, le pays est arrivé en tête de l'Index est-africain publié par Transparency International (TI, ONG internationale d'origine allemande). Le taux de prévalence de la corruption, le pourcentage de gens qui ont payé la corruption au cours des 12 derniers mois avant l'enquête, y est de 36,7 %. Suivent l'Ouganda (33 %), le Kenya (31,9 %), la Tanzanie (28,6 %) et, beaucoup plus loin derrière, le Rwanda (6,6 %). Un score d'autant plus fâcheux pour le Burundi, que ce dernier vient d'intégrer la Communauté est-africaine dans laquelle il espère se développer économiquement.
Selon le rapport de TI, l'Office burundais des recettes (OBR) et la police nationale sont les organes les plus corrompus du pays. Rien d'étonnant à cela avait réagi, dès la publication, l'ancien ministre burundais chargé de la Bonne gouvernance, Martin Nivyabandi, cité par l'agence de presse Xinhua (Chine nouvelle) : "L'OBR est un organisme créé il y seulement trois mois (.) Il est trop tôt pour l'évaluer. (.) Après une guerre d'une décennie, le corps de la police burundaise ne s'est pas stabilisé. En plus des agents qualifiés, d'anciens membres des mouvements rebelles ont rejoint cet organe (.). Le comparer aux polices du Kenya, de la Tanzanie ou de l'Ouganda n'a pas de sens, car les polices de ces pays sont stabilisées (.)"
Nouvelles formes de corruption
Un sociologue insiste sur la difficulté, pour un État de fonctionner avec des dirigeants issus d'un ancien mouvement rebelle, dont les membres, originaires du maquis, étaient affamés et démunis. "Nous n'avons pas combattu gratuitement !", disent ainsi certains d'entre eux dans leurs conversations, sous-entendant qu'ils sont au pouvoir pour s'y servir avant de servir l'intérêt général. Autre difficulté de taille : les anciens rebelles restent en général solidaires entre eux et ne se dénoncent pas. Les associations de lutte contre la corruption déplorent cette impunité qui empire les choses.
La situation est d'autant plus inquiétante au Burundi que la corruption prend de nouvelles formes. Par exemple, dans l'enseignement qui, avant 2006, ne connaissait pas ce problème, pour obtenir une mutation, il faut désormais donner d'énormes sommes d'argent assure Havyarimana Rénovât, secrétaire général de l'OLUCOME (Observatoire de lutte contre la corruption et les malversations économiques). Et, quand on n'est pas encore engagé et qu'on veut travailler dans un établissement précis, il suffit de débloquer entre 100 et 200 $... Résultat : les écoles urbaines, souvent convoitées par les nouveaux enseignants, en trouvent tardivement, à cause de la spéculation. Dans d'autres services étatiques ou para étatiques, surtout ceux qui payent mieux comme les banques ou la justice, 1 000 à 3 000 $ doivent parfois être versés avant toute chose par le candidat à un travail.
"Menacés dans notre travail"
Face à cette petite corruption ou face aux cas plus consistants de malversations économiques, les associations spécialisées sont très isolées. "Nous sommes souvent menacés dans notre travail", précise un représentant de l'OLUCOME, structure qui travaille depuis 2002 sur des dossiers de corruption mettant en cause les plus hautes autorités de l'État. L'organisation a notamment révélé la vente illicite d'un avion présidentiel en 2006 qui a conduit au limogeage d'un ministre des Finances. Elle a également dévoilé une affaire de double facturation de produits pétroliers qui a conduit à l'emprisonnement du gouverneur de la Banque centrale du Burundi et à l'exil d'un autre ministre des Finances en 2007. Autant de dossiers extrêmement sensibles qui ont sans doute coûté la vie à Ernest Manirumva, alors vice-président de l'OLUCOME, assassiné en avril 2009.
Le manque d'indépendance de la justice complique encore la donne, car, indique un magistrat, lui et ses collègues sont eux aussi menacés quand il s'agit de s'occuper de tels dossiers . Quant à la Cour anti-corruption, elle ne peut ni arrêter ni juger un ministre soupçonné, par exemple, de détournements de fonds. Dernière difficulté : de fausses associations ne semblent là que pour se faire de l'argent ou cautionner les agissements de certains corrompus et cherchent à déstabiliser celles qui luttent vraiment contre ce fléau.
Source: Syfia Grands Lacs
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