Plusieurs associations des droits humains estiment au Burundi que l’intention annoncée par le Ministère public de mener des compléments d’enquête pour élucider le meurtre d’Ernest Manirumva, défenseur des droits humains burundais, permettra sans doute à la vérité d’émerger du processus judiciaire.
«Il est urgent de mener des enquêtes complémentaires sur l’assassinat d’Ernest Manirumva, ont déclaré aujourd’hui sept organisations non-gouvernementales. Le East and Horn of Africa Human Rights Defenders Project (EHAHRDP), Protection International, l’Observatoire pour la Protection des Défenseurs des Droits de l’Homme (OMCT-FIDH), Ligue Iteka, l'Observatoire de Lutte Contre la Corruption et les Malversations Économiques (OLUCOME) et le Forum pour le Renforcement de la Société Civile (FORSC) se félicitent de l’intention annoncée par le Ministère public de mener des compléments d’enquête et de la décision du Tribunal d’ordonner le complément d’instruction demandés par le Ministère public étant donné qu’un certain nombre d’irrégularités ont été observées jusqu’à présent, que l’enquête s’est révélée partiale et incomplète et que les procédures ont enregistré des retards conséquents.
Ernest Manirumva, un éminent défenseur des droits humains burundais, vice-président de l’OLUCOME, a été enlevé à son domicile et assassiné le 9 avril 2009. Il enquêtait alors sur des affaires sensibles portant notamment sur des allégations de corruption policière à grande échelle et des achats illégaux d’armes. Depuis plus de deux ans, les organisations de la société civile demandent justice pour Manirumva mais, au jour d’aujourd’hui, personne n’a été reconnu responsable de son assassinat.
Le 15 juin 2011, lors d’une audience observée par EHAHRDP et des membres de la campagne «Justice pour Ernest Manirumva», le Ministère public a réclamé que le dossier lui soit retourné pour un complément d’enquête, suite à la réception d’éléments nouveaux. Le Tribunal a accepté cette requête dans un jugement du 22 juin 2011. Il est indispensable que ces nouvelles investigations se concentrent sur des éléments de preuve qui n’ont pas été pris en compte auparavant et qu’elles soient menées avec diligence. La Troisième commission d’enquête et un rapport de l’enquête médico-légale du FBI ont tous les deux recommandé de nouvelles enquêtes, dont le prélèvement d’échantillons d’ADN et la tenue d’interrogatoires de certains responsables de haut rang.
«Bien que nous ayons maintes fois demandé au Ministère public d’enquêter sur ces pistes, nous n’avons aucune indication quant au cours des nouvelles investigations», a déclaré Pacifique Nininahazwe, Délégué Général du FORSC. «Nous sommes également préoccupés par le fait que le jugement du tribunal exclut tout référence à nos plaidoiries à cet égard.»
Les dix accusés actuellement en détention préventive ont tous demandé leur remise en liberté sous caution le 15 juin. Selon leur ligne de défense, leur incarcération prolongée sans preuve tangible de leur culpabilité et sans renouvellement mensuel de leurs mandats de détention préventive constitue une violation des articles 71 et 75 du Code de Procédure Pénale; deux détenus ont également demandé leur libération sous caution pour des raisons médicales. Toutes ces demandes ont été jugées non-fondées.
Alors que le dossier a encore pris du retard, les membres de la société civile burundaise qui ont dénoncé l’assassinat de Manirumva et les lacunes de la procédure judiciaire continuent de subir des menaces à l’encontre de leur sécurité personnelle. Au début du mois de juillet 2011, l’OLUCOME a signalé que des intrus, armés de couteaux, auraient pénétré au domicile de son vice-président actuel Prudence Bararunyeretse, la nuit après une autre tentative d’effraction au domicile de Claver Irambona, membre du personnel de l’organisation. En avril, Irambona a été arrêté durant une marche organisée par la campagne « Justice pour Ernest Manirumva ». Ces faits, ainsi que d’autres comportements suspects constatés autour de la maison du vice-président de l'OLUCOME, constituent une tentative d’intimidation des défenseurs des droits humains. D’autres membres de la société civile liés à l’affaire ont également été menacés à plusieurs reprises. Gabriel Rufyiri, président de l’OLUCOME, Pierre Claver Mbonimpa, président de l’Association Burundaise pour la Protection des Droits Humains et des Personnes Détenues (APRODH), et Pacifique Nininahazwe, délégué général du FORSC, ont tous été mis en garde contre des complots visant leur assassinat.
Le East and Horn of Africa Human Rights Defenders Project (EHAHRDP), Protection International, l’Observatoire pour la Protection des Défenseurs des Droits de l’Homme (OMCT-FIDH), Ligue Iteka, l'Observatoire de Lutte Contre la Corruption et les Malversations Économiques (OLUCOME) et le Forum pour le Renforcement de la Société Civile (FORSC) encouragent le Ministère public à mener sans délai les compléments d’enquête, en accord avec les recommandations de la Troisième commission d’enquête et du rapport du FBI, dont les interrogatoires et le prélèvement des échantillons d’ADN des individus nommés qui sont nécessaires pour la procédure judiciaire.
«Il est impératif que toute les pistes d’enquête soient poursuivies pour que la vérité émerge du processus judiciaire,» a déclaré Hassan Shire, directeur exécutif du East and Horn of Africa Human Rights Defenders Project. «Justice doit être rendue pour mettre fin à l’impunité au Burundi et protéger le travail indispensable des défenseurs des droits humains ».
Les organisations appellent également le gouvernement burundais de mettre en place un mécanisme de protection pour permettre aux témoins de témoigner en toute sécurité et confiance. Des ressources adéquates doivent être allouées pour que les enquêtes et les audiences au tribunal se déroulent dans un délai raisonnable. La date pour la prochaine audience doit être publiée aussitôt que possible. Des enquêtes doivent être menées sur toutes les menaces faites contre les défenseurs des droits humains liés à l’affaire et des mesures doivent être prises pour garantir leur protection et leur sécurité.
Plus généralement, nos organisations demandent aux autorités burundaises de garantir, en toutes circonstances, l’intégrité physique et psychologique de tous les défenseurs des droits humains burundais, ainsi que de respecter les dispositions de la Déclaration des Nations Unies sur les Défenseurs des Droits Humains et tous les instruments régionaux et internationaux relatifs aux droits humains ratifiés par le Burundi.
Source: Fasozine
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