Les auteurs de ce massacre ayant fait des dizaines de morts devront être traduits en justice, et non exécutés
(Londres, le 20 septembre 2011) – Les autorités burundaises devraient de toute urgence mener une enquête sur le massacre, le 18 septembre 2011, de dizaines de personnes dans un bar populaire de Gatumba, à environ 15 kilomètres à l’ouest de la capitale, Bujumbura, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. Le nombre exact de victimes n’est pas encore confirmé mais selon les premières informations recueillies, plus de 30 personnes ont vraisemblablement été tuées. Dans le cadre de leur recherche des auteurs du massacre, les autorités devraient user de la force minimale nécessaire et traduire les auteurs présumés en justice, et non procéder à des exécutions extrajudiciaires.
Des témoins ont raconté à Human Rights Watch comment un groupe d’hommes, dont certains en uniforme militaire, armés de fusils et de grenades, sont arrivés dans le bar, ont bloqué l’entrée et tiré sans distinction dans la foule. Des sources locales ont rapporté à Human Rights Watch qu’à leur connaissance, la plupart des victimes n’étaient affiliées à aucun parti politique. Cependant, un résident local a précisé que le propriétaire du bar, qui figurerait au nombre des victimes, était membre du parti au pouvoir.
« Ce massacre brutal d’hommes et de femmes non armés à Gatumba dimanche soir est le pire incident de violence qu’a connu le Burundi depuis plusieurs années », a déclaré Daniel Bekele, directeur de la division Afrique de Human Rights Watch. « Les auteurs doivent être identifiés et traduits en justice sans tarder. »
L’incident a eu lieu le 18 septembre vers 20 h dans un bar appelé Chez les amis, à Gatumba, dans la commune de Mutimbuzi. Un résident local a indiqué qu’il avait dénombré au moins 26 cadavres sur le lieu du massacre. D’autres sources ont rapporté un bilan dépassant les 30 victimes, y compris le porte-parole de la police qui a cité le chiffre de 39 morts lors d’un entretien à la radio le 19 septembre. Plusieurs autres personnes ont été blessées et au moins 13 ont été soignées pour des blessures à l’hôpital militaire de Bujumbura le 19 septembre.
Human Rights Watch continue actuellement de recueillir des informations sur le nombre exact et l’identité des victimes. Plusieurs membres d’un club de football local, qui s’étaient rendus dans le bar pour célébrer une victoire, figuraient parmi les victimes. Des résidents locaux pensent que certains des assaillants étaient peut-être des membres de groupes d’opposition armés burundais agissant près de la frontière avec la République démocratique du Congo (RDC). Cependant, l’identité des auteurs n’a pas encore été confirmée.
Ce n’est pas la première attaque de ce type. Par exemple en mai 2011, quatre personnes ont été tuées alors que des hommes armés ont fait irruption dans un bar de Bisoro à Bujumbura. Toutefois, le nombre de victimes à Gatumba était considérablement supérieur à celui constaté lors des autres incidents.
L’ampleur du dernier incident a choqué de nombreux Burundais.
Un homme a déclaré à Human Rights Watch : « Nous pensions que ces choses appartenaient au passé. Nous ne pensions pas que cela pourrait se produire à nouveau. Maintenant, nous avons peur de ce qui pourrait arriver après ça. »
Le gouvernement burundais a décrété un deuil national de trois jours. Une délégation de haut niveau, conduite par le président Pierre Nkurunziza et plusieurs ministres du gouvernement, s’est rendue à Gatumba après l’incident. Le président a ordonné aux forces de sécurité de retrouver les auteurs dans un délai d’un mois.
Human Rights Watch a exhorté les autorités à mener une enquête minutieuse et à prévenir toutes représailles au lendemain du massacre.
Cet incident s’est produit sur toile de fond de violences à caractère politique au Burundi, qui ont fait des dizaines de victimes en 2010 et 2011. Ces victimes incluaient des membres et anciens membres de l’ex-groupe rebelle des Forces nationales de libération (FNL), ainsi que des membres du parti au pouvoir, le Conseil national pour la défense de la démocratie-Forces pour la défense de la démocratie (CNDD-FDD).
Les tensions se sont intensifiées au Burundi au cours des dernières semaines. Alors que la plupart des victimes des assassinats des derniers mois étaient des membres (ou anciens membres) des FNL faisant partie de la base de l’organisation, les personnes ciblées récemment comptaient des personnalités plus en vue. Parmi celles-ci, figuraient un ancien commandant des FNL démobilisé Audace Vianney Habonarugira,tué par balles en juillet 2011 ; Dédithe Niyirera, représentant des FNL dans la province de Kayanza, abattu à Kayanza à la fin du mois d’août 2011 ainsi qu’un ancien commandant des FNL Edouard Ruvayanga, tué à Bujumbura le 5 septembre dernier. Sur cette même période, plusieurs autres membres démobilisés des FNL ont reçu des menaces anonymes les avertissant qu’ils subiraient le même sort.
La violence politique au Burundi s’est caractérisée par des cycles de représailles, avec des meurtres d’un côté généralement suivis par des meurtres de l’autre côté. Dans la majorité des cas, les auteurs ont joui d’une totale impunité.
« Nous demandons instamment aux forces de sécurité burundaises de ne recourir qu’à la force minimale nécessaire dans leur poursuite des auteurs de ces récentes atrocités », a conclu Daniel Bekele. « Le massacre choquant de Gatumba ne devrait pas servir de prétexte pour viser d’anciens rebelles qui ont déposé les armes ou des membres de partis d’opposition qui n’ont pas été impliqués dans des activités criminelles. Si les autorités retrouvent les auteurs présumés, ceux-ci devraient être arrêtés, inculpés et jugés, mais non exécutés sommairement. »
Contexte
Les FNL étaient l’un des groupes rebelles opérant pendant les 16 ans de guerre civile au Burundi, qui a opposé une armée minoritaire à dominante tutsi à des groupes rebelles hutus. L’un des groupes majoritairement hutus, le CNDD-FDD, a rejoint le gouvernement en 2004 et a remporté les élections en 2005. Les FNL, également à dominante hutu, ont poursuivi les combats jusqu’en 2009. Elles ont ensuite signé un cessez-le-feu et sont devenues un parti politique.
Les FNL ont présenté des candidats aux élections de 2010 mais, tout comme d'autres partis de l'opposition, ont par la suite boycotté les élections, accusant le CNDD-FDD de fraude. Le CNDD-FDD, dirigé par le président en poste, Pierre Nkurunziza, a remporté les élections de 2010 quasiment sans opposition et reste le parti au pouvoir. Les élections ont été entachées de violences et d'atteintes aux droits humains.
Plusieurs leaders des FNL et d’autres dirigeants de l'opposition ont fui en exil et sont toujours réfugiés à l’étranger. Certains anciens membres de groupes rebelles ont repris les armes et sont retournés dans la brousse. L’ouest du pays, notamment la province de Bujumbura Rural où se trouve Gatumba, reste un bastion des FNL. La plupart des incidents de violence politique se sont produits dans cette région.
Source: Human Rights Watch
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