Les radios privées burundaises sont menacées de fermeture par le gouvernement et les journalistes harcelés. Leurs auditeurs s'en inquiètent car ils ne peuvent s'exprimer que sur leurs ondes, n'ayant plus confiance dans le gouvernement et la justice. Ils sont prêts à tout faire pour les soutenir.
Dernier épisode en date de la pression exercée sur les radios privées par le gouvernement burundais : le 28 novembre, Hassan Ruvakuki, journaliste à radio Bonesha FM et correspondant de Radio France Internationale (RFI) pour le service en swahili, a été enlevé par des policiers et des agents de renseignements. On l'accuse de soutenir une rébellion récemment déclarée dans l'Est du pays - le FRD-Abanyagihugu - dont il a interviewé le chef d'état-major.
Une nouvelle menace pour cette radio, qui, comme la plupart des radios privées, est dans le collimateur du gouvernement ces dernières semaines. Les stations les plus visées sont la Radio Publique Africaine (RPA), radio Isanganiro et Bonesha FM, les radios les plus populaires du pays, ce qui inquiète vivement leurs auditeurs.
Le gouvernement leur demande de montrer clairement leurs sources de financement faute de quoi elles seront fermées. Ce qu'elles refusent. "Les radios ne font qu’attiser la guerre. Elles exploitent chaque assassinat pour discréditer le gouvernement afin d’intéresser les bailleurs qui donneraient alors des financements", a déclaré aux médias le secrétaire et porte-parole du gouvernement, Philippe Nzobonariba. Elles sont aussi accusées de collaborer avec les partis politiques d’opposition pour salir le pouvoir.
Plusieurs journalistes et responsables ont ainsi été arrêtés récemment ou convoquées au parquet, certains ont reçu des menaces. Le 14 novembre, Bob Rugurika, rédacteur en chef et Bonfils Niyongere, journaliste de la RPA ont passé douze heures d’interrogatoire au parquet de Bujumbura. Au nord du pays, la nuit du 5 novembre, des pierres ont été jetées sur Audace Nimbona, correspondant de RSF Bonesha et de Syfia Grands Lacs et une croix tracée devant sa maison.
Ces mesures de rétorsion contre les radios alarment leurs très nombreux auditeurs à travers le pays. "N’eut été les radios, le pays serait dans le gouffre vu l'attitude des dirigeants actuels. En tous cas les radios essayent de réprimander les mauvais comportements des gens", s’écrie Nyadwi Joseph, un auditeur de la province de Ngozi au nord du Burundi. "Comment pourrions nous vivre sans la RPA, on n'aurait pas où et comment parler nous le petit peuple !", ajoute un autre habitant de la ville de Bujumbura. Dans ces radios, les Burundais peuvent s'exprimer dans certaines émissions appréciées comme Kabizi (connaisseur), Giricushikirije (Emets ton idée). Ils peuvent appeler au téléphone et poser des questions aux invités.
Soutien inconditionnel des auditeurs
Non seulement ces radios tendent le micro aux auditeurs mais elles mettent aussi à la une les exactions qui se multiplient ces derniers mois. Ainsi actuellement, elles parlent sans cesse des assassinats qui ont lieu tous les jours et sur lesquels le gouvernement ne dit rien. En septembre après le massacre de Gatumba en province de Bujumbura, qui avait fait 39 morts et 40 blessés, il a même interdit aux médias d'en parler. Pour la population, les radios sont la seule soupape qui leur permet d'exprimer leurs souffrances car elle ne croit plus dans la justice accusée d’être manipulée par le pouvoir. Les auditeurs attendent donc beaucoup d'elles et suivent avec inquiétude les intimidations dont elles font l'objet du gouvernement.
Fortes de leur soutien, TV Renaissance et les stations RPA, Bonesha FM et Isanganiro ont lancé un appel 16 novembre aux propriétaires de voitures qui veulent dire non aux tracasseries faites aux médias en leur demandant de klaxonner pendant 15 secondes, ce jour-là, à partir de 12 h 20. Les auditeurs ont répondu massivement à l’appel et ont fait marcher leur klaxon pendant plus de 15 minutes. "On est prêt à soutenir les radios, elles sont tout ce qui nous reste, déclare un habitant de Bujumbura. On pouvait le faire même pendant plus longtemps que ça." D’autres affirment qu’ils sont même prêts à les soutenir financièrement. "Ces radios devraient ouvrir des comptes bancaires et nous en communiquer les numéros. Nous allons tous cotiser pour les financer, car les informations qu'elles nous servent sont utiles pour la vie, disait une commerçante du marché central de Bujumbura au micro de l'une d'elles. Autant nous payons nos impôts, autant nous devons payer pour avoir une information de qualité." Les plus pauvres les encouragent moralement. "C’est vrai que je n’ai pas d’argent à donner, mais je ne manquerais jamais de dire que je soutiens la RPA, affirme Butoyi Sylvestre de la colline Kabuye à Kanza.
Source: http://syfia-grands-lacs.info/
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire