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mercredi 25 novembre 2009

Appel international pour la levée de l’interdiction du FORSC

Les menaces et les restrictions sont une tentative de faire taire les critiques

(Bujumbura, le 25 novembre 2009) – Les autorités burundaises devraient retirer immédiatement une ordonnance mettant hors la loi le Forum pour le renforcement de la société civile (FORSC), une structure qui réunit 146 associations burundaises de la société civile, ont déclaré Amnesty International, l’East and Horn of Africa Human Rights Defenders Project (Projet des défenseurs des droits humains de l’Est et de la Corne de l’Afrique), et Human Rights Watch dans une déclaration conjointe publiée aujourd’hui. Le gouvernement devrait aussi cesser les menaces et actes de harcèlement à l’encontre des militants de la société civile, ont indiqué ces organisations.

L’ordonnance, signée par le ministre de l’Intérieur Edouard Nduwimana le 23 novembre 2009, annule l’ordonnance portant agrément légal au FORSC, invoquant une soi-disant erreur technique dans ladite ordonnance, approuvée par ce même ministre en mai 2006. C’est la première organisation non gouvernementale à être interdite au Burundi, évolution inquiétante alors que le pays se prépare à des élections présidentielles.

Cette interdiction fait suite à plusieurs semaines de recrudescence d’actes d’intimidation, de harcèlement et de menaces contre des militants de la société civile travaillant sur des questions relatives à la lutte contre l’impunité. La semaine précédant la signature de l’ordonnance, le délégué général du Forum, Pacifique Nininahazwe, ainsi que Pierre Claver Mbonimpa, président de l’Association pour la protection des droits humains et des personnes détenues (APRODH), ont dit avoir été placés sous surveillance par le Service national de renseignement et ils ont reçu une série de menaces de mort.

« L’interdiction du FORSC par le gouvernement burundais semble n’avoir aucun fondement juridique réel et c’est une attaque frontale contre la liberté d’association », a déclaré Georgette Gagnon, directrice pour l’Afrique à Human Rights Watch. « Venant s’ajouter aux menaces contre deux militants très respectés, c’est là une tentative cynique de réduire au silence la société civile dynamique du Burundi. »

Le FORSC, qui a rassemblé des organisations de la société civile dans un certain nombre de campagnes portant sur des questions allant de la justice de transition à l’observation des élections , s’est trouvé récemment au premier rang des efforts pour lutter contre l’impunité à la suite de plusieurs meurtres qui ont eu lieu en 2009. Le FORSC a dirigé une campagne appelant à mener des enquêtes sérieuses sur les assassinats d’Ernest Manirumva et de Salvator Nsabiriho. Des témoins ont mentionné l’implication d’agents de l’Etat dans les deux assassinats.

A la suite d’une déclaration faite par Nininahazwe le 7 novembre, dans laquelle il demandait au Président Pierre Nkurunziza de réagir aux assassinats, le ministre de l’Intérieur Nduwimana a convoqué le FORSC et plusieurs autres organisations et a menacé de les « punir » pour leur franc-parler. La semaine suivante, Nininahazwe et Mbonimpa ont commencé à recevoir des menaces de mort. Le 18 novembre, huit organisations ont adressé une lettre ouverte au Président Nkurunziza, exprimant leurs préoccupations à propos de ces menaces et appelant à mettre fin aux actes de harcèlement contre la société civile.

« L’interdiction d’une organisation plusieurs jours après qu’elle a dénoncé des menaces – malgré les tentatives du gouvernement pour formuler l’interdiction en des termes légaux formels – soulève des inquiétudes quant à la détermination du gouvernement à réduire ses détracteurs au silence », a observé Hassan Shire, directeur exécutif de l’East and Horn of Africa Human Rights Defenders Project. « Au lieu de supprimer des groupes de la société civile, il devrait s’engager dans un dialogue productif avec eux afin d’améliorer les conditions de vie de tous les Burundais. »

Selon l’ordonnance, l’interdiction du FORSC est basée sur le fait que certains de ses membres sont enregistrés auprès du ministère de la Fonction publique, du travail et de la sécurité sociale (les syndicats, par exemple), et du ministère de la Justice (par exemple l’Ordre des avocats), plutôt qu’auprès du ministère de l’Intérieur, qui règle l’enregistrement de la plupart des organisations non gouvernementales. Cependant, ces groupes étaient membres du Forum quand le ministère de l’Intérieur a approuvé ses statuts et la liste de ses adhérents en 2006.

Des avocats burundais interrogés par Human Rights Watch ont affirmé que l’ordonnance n’avait aucune base légale. Un des avocats a fait remarquer que plusieurs structures, agissant dans les domaines du VIH/SIDA et du développement économique, relèvent de différents ministères. Adopter une ordonnance en invoquant le fait que des associations diverses ne peuvent pas former des réseaux reconnus légalement établirait un précédent légal dangereux, a déclaré cet avocat.

Même en recourant à une interprétation du droit burundais qui interdirait de former de tels réseaux, un fonctionnaire du ministère de l’Intérieur s’exprimant lors d’une conférence de presse le 24 novembre n’a pas pu expliquer pourquoi une erreur commise par le ministère lui-même devrait aboutir à interdire une organisation, plutôt qu’à des efforts pour régulariser sa situation. Pressé par les journalistes, le fonctionnaire, René Gabriel Simbakeneye, a affirmé que l’ordonnance avait pour but de « suspendre » le FORSC. Il a déclaré que lorsque le forum aurait « corrigé les erreurs [dans ses statuts], le ministre lui fera la faveur de l’autoriser à continuer ses activités ».

Les organisations burundaises de la société civile ont fait remarquer dans une déclaration du 24 novembre que l’ordonnance viole des droits humains fondamentaux. L’article 22 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, auquel le Burundi est un Etat partie, stipule que toute personne a droit à la liberté d’association. Les seules restrictions permises sont celles qui sont « prévues par la loi et qui sont nécessaires dans une société démocratique, dans l'intérêt de la sécurité nationale, de la sûreté publique, de l'ordre public, ou pour protéger la santé ou la moralité publiques ou les droits et les libertés d'autrui ». Aucune de ces restrictions n’a été invoquée pour justifier l’interdiction du FORSC.

Human Rights Watch, l’East and Horn of Africa Human Rights Defenders Project, et Amnesty International ont exhorté le gouvernement du Burundi à annuler l’ordonnance immédiatement et à autoriser le FORSC à poursuivre ses activités.

« Le gouvernement burundais a le droit, en vertu du droit international, de réglementer la formation et les activités des organisations de la société civile », a indiqué Tawanda Hondora, Directeur adjoint du programme Afrique à Amnesty International d’Amnesty International. « Mais interdire un groupe parce qu’il remet en question les pratiques du gouvernement est une grave violation des droits humains dans cette période décisive de l’histoire du Burundi. »

Contexte

Le FORSC est l’une des organisations burundaises les plus actives. Il a été fondé en 2006 avec pour mission le « renforcement du positionnement et de la visibilité de la société civile afin de contribuer efficacement à l’émergence et à la consolidation d’un Etat respectueux de l’Etat de droit, où règnent la paix et la prospérité ». Ses activités récentes incluent la coordination des militants de la société civile pour contrôler des consultations appuyées par l’ONU sur la justice de transition.

Après l’assassinat en avril d’Ernest Manirumva, vice-président de l’organisation anti-corruption OLUCOME, le Forum a lancé la campagne « Justice pour Ernest Manirumva », demandant au gouvernement d’identifier et d’arrêter les coupables, soupçonnés par de nombreuses organisations de la société civile d’être des agents de l’Etat. Cette campagne semble avoir été l’un des principaux moteurs ayant entraîné la décision du procureur de la république de dissoudre une commission d’enquête inactive désignée par le gouvernement et de la remplacer au mois d’octobre par une nouvelle commission qui semble avoir entrepris des enquêtes sérieuses.

En novembre, le FORSC a dénoncé publiquement le meurtre de Salvator Nsabiriho, un jeune homme qui a été convoqué le 13 octobre par le gouverneur de la province de Kayanza à propos d’un litige de propriété. Selon le FORSC et de nombreuses autres organisations, Nsabiriho a été interrogé puis battu avec brutalité par la police agissant sur les ordres du gouverneur, Senel Nduwimana. Nsabiriho a succombé à ses blessures le 5 novembre, après avoir dénoncé les coupables à sa famille et à des défenseurs burundais des droits humains.

Le 10 novembre, le même jour où le ministre Nduwimana a menacé de « punir » le FORSC et d’autres organisations de la société civile, Nininahazwe et Mbonimpa ont reçu des menaces de mort de la part d’individus liés au Service national de renseignement. Ils ont été informés que des agents du renseignement voulaient les tuer à cause d’informations qu’ils étaient censés posséder sur le meurtre de Manirumva.

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