Au Burundi, un des gardes d’un gouverneur provincial a violemment frappé un homme, au début du mois de novembre, au cours d’une dispute sur des questions de terrain et de propriété. L’homme est mort après quelques jours d’hospitalisation. L’affaire a été largement relayée par les médias burundais, et des organisations de défense des droits humains ont condamné l’incident et appelé à ce que des poursuites judiciaires soient engagées à l’encontre de l’auteur des violences.
Le garde a depuis été arrêté, mais les activistes des droits humains disent que cela n’est pas suffisant, et ont appelé à ce que de nouvelles enquêtes soient menées sur le rôle du gouverneur dans l’incident.
« Il s’agit d’un cas de violation des droits humains parmi d’autres, et ces affaires donnent souvent lieu à très peu, voire à aucune action de la part des autorités », a dit à IRIN un activiste des droits humains, sous couvert d’anonymat.
S’inquiétant du nombre croissant d’assassinats politiques et de violences entre adversaires politiques, les organisations et activistes des droits humains ont appelé le gouvernement et la communauté internationale à veiller à ce que les responsables soient poursuivis.
« C’est un fait que plusieurs partis politiques mobilisent des anciens combattants démobilisés pour commettre des violences politiques, et il est probable que nous assisterons à une augmentation de la violence à l’approche des élections [prévues pour 2010] », a dit l’activiste. « Cependant, ces partis savent qu’ils doivent être prudents, donc nous ne nous attendons pas à des massacres ni à des assassinats de personnes de haut rang, mais il est probable que les incidents impliquant des personnes de rang [moins élevé], à des niveaux locaux, continueront. »
René-Claude Niyonkuru, consultant spécialisé en conflits fonciers et droits humains, qui est également président d’une association de promotion des droits humains au Burundi, a dit à IRIN que le pays avait des problèmes de droits humains à trois niveaux : au niveau communautaire, au niveau intermédiaire – le service civil et l’administration publique – et au niveau supérieur – les hauts responsables du gouvernement.
« Si on analyse les tendances générales, la plupart des violations des droits humains au niveau communautaire sont liées à l’absence d’une culture de responsabilité », a dit M. Niyonkuru. « Un responsable communal peut arbitrairement mettre quelqu’un en prison pour des mois alors qu’il sait que ce qu’il fait est mal ».
Un jeu de chaises musicales incessant au niveau des hauts responsables du gouvernement n’a pas contribué à améliorer la situation.
« Depuis 2005, date à laquelle le parti dirigeant a pris le pouvoir, nous avons eu sept remaniements ministériels ; chacun arrive avec ses politiques et son agenda, et peu après, ils ne sont plus là – c’est un problème majeur, car ils n’ont pas assez de temps pour mettre en place leurs politiques, et souvent, les droits humains sont la dernière de leurs préoccupations », a-t-il dit. « Les ministres et les députés manquent d’esprit d’équipe, et comme l’engagement à long terme est également absent, les droits continueront à être violés ».
Stratégie de changement
Photo: Jane Some/IRIN
Le nombre de cas de violations des droits humains a diminué depuis que les FNL se sont transformées, cette année, en un parti politique, a dit Pierre-Claver Mbonimpa
D’après M. Niyonkuru, le pays doit changer sa stratégie en investissant davantage dans des programmes de protection des droits humains à long terme.
« Nous devons investir dans l’éducation aux droits humains dès l’école primaire et secondaire, et même au niveau universitaire ; nous devons créer une culture dans laquelle l’appréciation des droits humains soit différente », a-t-il dit. « Nous devons également mettre en place une éducation aux droits humains au niveau communautaire, de façon à ce que tous les Burundais puissent apprendre à défendre leurs droits ».
Pierre-Claver Mbonimpa, président fondateur de l’Association burundaise pour la protection des droits humains et des personnes détenues, a dit que bien que le nombre de cas de violations des droits humains ait diminué depuis que les FNL (Forces nationales de libération) – l’ancien mouvement rebelle – se sont transformées cette année en parti politique, des violations sporadiques des droits continuaient à avoir lieu à travers le pays.
« Ce qui est intéressant, c’est que la violence basée sur le genre a également diminué ; le nombre de cas de torture a aussi baissé, d’après nos statistiques », a dit M. Mbonimpa. « Cependant, d’autres violations ont persisté à cause de l’impunité. Dans certains cas, la justice n’a pas puni certains auteurs des exactions parce que des autorités étaient impliquées dans les crimes ».
M. Mbonimpa a mis en avant les conditions de détention dans les prisons, qui sont selon lui particulièrement inquiétantes : 12 000 détenus vivent dans des installations conçues pour accueillir 4 000 personnes.
« Dans certains de ces établissements, la situation est catastrophique ; il arrive que des prisonniers dorment dehors, même lorsqu’il pleut ; parfois ils tentent de s’évader à cause de la congestion et ils sont souvent tués par balle », a-t-il dit, ajoutant que la torture était courante dans les prisons du Burundi.
D’après M. Mbonimpa, une révision du code pénal, votée en avril 2009, n’a renforcé la protection des droits humains que sur le papier.
« Il n’y a pas de volonté politique de faire appliquer certaines des initiatives mentionnées dans le code ; la communauté internationale peut aider en demandant au gouvernement d’arrêter de faire un mauvais usage du système judiciaire, et de prendre des mesures contre ses agents qui se rendent coupables de violations des droits humains », a-t-il dit.
Dans un rapport publié en juin, Human Rights Watch (HRW) a appelé le gouvernement à prendre d’urgence des mesures visant à mettre un terme aux meurtres, agressions et arrestations arbitraires à caractère politique.
Photo: Jane Some/IRIN
Agathon Rwasa, le chef des FNL
Le rapport, intitulé La quête du pouvoir : Violences et répression politiques au Burundi, décrit des cas où tant le gouvernement, dominé par le Conseil National pour la Défense de la Démocratie-Forces pour la Défense de la Démocratie (CNDD-FDD) que les FNL, qui étaient alors un mouvement rebelle (et sont aujourd’hui un parti politique), ont recouru à des actes de violence et d'intimidation politiques contre des opposants et des voix dissidentes au sein de leurs propres rangs.
« Le parti au pouvoir et les ex-rebelles des FNL ont montré qu'ils n'étaient que trop disposés à commettre des exactions pour intimider leurs adversaires politiques et affirmer leur pouvoir », a dit Georgette Gagnon, directrice de la division Afrique à HRW. « Mais cette voie ne mènera ni à des élections probantes ni à un avenir décent pour le peuple burundais ».
Cependant, Agathon Rwasa, le chef des FNL, a nié que les membres de son mouvement soient responsables de violations des droits humains.
« Avant que les FNL ne soient désarmées et intégrées dans l’armée et la police, toute violence commise dans le pays était attribuée aux FNL, mais aujourd’hui, les FNL ont été intégrées et pourtant les violences continuent », a-t-il dit. « Cela signifie que le gouvernement, les forces de sécurité [l’armée et la police] pourraient être impliquées dans ces violences. Cela signifie que les auteurs des violences n’ont pas changé, mais qu’autrefois ils avaient des boucs émissaires, et qu’aujourd’hui ils n’en ont plus ».
« Il y a beaucoup d’abus du point de vue des droits humains, non seulement contre les FNL, mais aussi contre toute opposition ; on pourrait même extrapoler en disant qu’il s’agit d’une directive venue d’en haut donnée à ceux qui sont en bas », a-t-il ajouté.
Les nombreuses tentatives d’IRIN pour obtenir des commentaires de la part du parti au pouvoir sont restées sans succès.
Responsabilité
HRW a appelé le gouvernement à s'engager sur la voie de la responsabilité en ouvrant des enquêtes et en engageant des poursuites pour les 23 meurtres et les autres délits décrits dans le rapport, qui couvre 2008 et 2009.
« En raison des meurtres, arrestations et autres formes de répression, les Burundais vivent dans la peur des conséquences que pourrait entraîner l'expression de leur opinion politique », a dit Mme Gagnon. « Leurs droits seront en péril aussi longtemps que le parti au pouvoir et l'ancien groupe rebelle ne devront pas supporter les conséquences de leurs actes... »
Selon Jean-Marie Gasana, analyste du Burundi, une culture d’impunité a pris racine dans le pays.
« La justice a été mise de côté. Les dirigeants bénéficient de la culture d’impunité dominante », a-t-il dit.
D’après lui, la société civile du pays est jeune et faible, ce qui contribue à renforcer la culture d’impunité.
« La société civile est élitiste et soumise à l’influence du plus offrant, comme partout ailleurs en Afrique », a dit M. Gasana.
« Les gens sont fatigués de la politique au jour le jour ; ils ont simplement besoin d’avoir les moyens de vivre », a-t-il dit. « Le gouvernement donne les moyens de survivre, mais il utilise cela pour prendre le peuple en otage. Il faut développer davantage le renforcement des capacités au niveau de la population globale, pour mettre fin aux violations qui continuent à sévir dans la population ».
Source: Les informations vous sont parvenues via IRIN, un département d'informations humanitaires des Nations Unies, mais ne reflètent pas nécessairement les vues des Nations Unies ou de ses agences
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