Le Burundi s’est illustré dans l’actualité avec deux faits majeurs qui ont marqué le début du week-end écoulé. Le premier, par ordre chronologique, ce sont les indemnités et avantages que se sont octroyé les députés burundais à travers le vote à l’unanimité de deux projets de loi, dans la nuit du 24 au 25 décembre 2009 au moment où les fidèles catholiques du monde – et de ce pays aussi - s’apprêtaient à célébrer la naissance de l’enfant Jésus.
Le deuxième fait est la demande de remplacement du représentant de l’ONU au Burundi, le Tunisien Youssef Mahmoud, formulée officiellement par les autorités de Bujumbura. « Crime » commis par ce troisième représentant onusien : ses accointances avec l’opposition, ses immixtions dans les affaires intérieures du pays, surtout concernant les élections générales de juillet 2010. Mais de ces deux événements, celui qui aura le plus fait jaser est le cadeau de Noël que se sont offert les élus du peuple. Le geste ne pouvait passer inaperçu au sein d’une population dont 70% vit en dessous du seuil de pauvreté. Les élus ont, par un vote, augmenté les indemnités et avantages à verser au chef de l’Etat et à ses deux vice-présidents, aux ministres, aux sénateurs, bref à tout dignitaire en fin de mandat. Mais la mesure a du mal à passer au sein des populations.
Et pour cause : les députés sont non seulement perçus comme des personnes qui sont déjà bien loties socialement par rapport au commun des Burundais mais aussi payées à ne rien faire. Dans ces conditions, s’octroyer des indemnités et des avantages supplémentaires qui vont coûter entre 7 et 8 millions de dollars américains aux contribuables est vu comme une provocation, un gaspillage des maigres ressources financières du pays. Depuis 1990, date du début du processus de démocratisation, la perception des députés et des Assemblées nationales par les peuples n’a pas beaucoup varié en Afrique. En effet, le pouvoir législatif traîne comme un boulet à ses pieds d’une image d’institution budgétivore, de valet du pouvoir exécutif et est vu comme sa caisse de résonance.
Et les élus ne font pas d’efforts pour prouver le contraire. Par leurs actions, ils ont contribué même à renforcer cette image en révisant par exemple les Constitutions pour permettre aux dirigeants en place de rester le plus longtemps possible au pouvoir. Certes, certaines Assemblées nationales se sont illustrées par leur refus d’être des caisses de résonance du pouvoir. Mais elles sont combien en Afrique ? Très rares. Au Burkina, on se rappelle aussi les cris d’orfraie qui avaient accompagné les trois millions de F CFA que les députés de la troisième législature avaient votés pour eux-mêmes à l’occasion des fêtes de fin d’année.
Ce qui s’est passé au Burundi est donc le reflet de la boulimie des élus du peuple qui révolte le même peuple qui ne reconnaît plus ceux qui sont censés défendre ses intérêts. Mais c’est se méprendre sur les politiciens africains qui utilisent le peuple pour parvenir à leurs fins. Chacun dit agir au nom de celui-ci mais en fin de compte, il n’a d’yeux que pour ses propres intérêts. L’analphabétisme aidant, les mêmes politiciens flattent le peuple pour se faire réélire à chaque scrutin en recourant s’il le faut, à la fraude.
On ruse tellement avec les règles de la démocratie à l’occidentale que l’on se demande s’il n’est pas temps de trouver quelque chose d’autre qui serait plus sincère et plus adapté au contexte africain. Mais en attendant, le triste spectacle auquel l’on assiste se poursuit de plus belle sans que personne ne puisse y mettre le holà. La société civile, sur qui repose beaucoup d’espoirs en tant que contre-pouvoir, a de plus en plus du mal à jouer son rôle. Celle du Burundi a donné de la voix contre ses députés insatiables. Mais sera-t-elle entendue ?
Source: Le Pays
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