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vendredi 9 avril 2010

Déclaration des organisations de la société civile à l’occasion de la commémoration de l'assassinat d'Ernest MANIRUMVA


SOCIETE CIVILE DU BURUNDI
APRODH, CAFOB, COSYBU, FORSC, ITEKA, OAG, OLUCOME
9 Avril 2009 – 9 Avril 2010

Un jour nous saurons la vérité

Campagne « Justice pour Ernest Manirumva »



Voici un an aujourd’hui que disparaissait notre compagnon et ami Ernest Manirumva, assassiné dans des conditions dont l’horreur nous fera à jamais frémir.

Sa famille, vers laquelle se dirigent nos pensées, attend toujours de connaître la vérité. Nous, société civile, nous, organisations de citoyens burundais œuvrant pour la paix, la justice et le développement au bénéfice de toute la communauté nationale, sommes toujours mobilisés pour obtenir que l’enquête sur cet assassinat soit menée à terme et fasse éclater la vérité et TOUTE la vérité.

Au cours de cette longue et douloureuse, nous n’avons pas ménagé nos efforts dans ce sens. Nous avons notamment suivi avec attention les travaux des commissions d’enquête successives désignées pour faire la lumière, mais force est de constater que, en dépit des assurances données par le gouvernement, nous ne connaissons toujours ni les exécutants, ni les commanditaires ni le mobile de cet assassinat.

La troisième commission d’enquête avait promis de remettre un rapport le 10 février. Deux mois après cette échéance, aucun rapport n’a été présenté. Nous espérons que ce retard est mis à profit pour explorer toutes les pistes et identifier tous ceux qui ont pris part à la conception et à l’exécution de ce crime abominable, quel que soit leur rang et leur niveau de responsabilité.

En effet, un rapport ne dévoilant qu’une partie de la vérité, reposant sur une enquête incomplète serait une manière d’entretenir encore le mensonge et l’impunité qui a été le poison de notre pays.

Un rapport crédible par contre devra répondre à un certain nombre de questionnements en rapport avec l’assassinat d’Ernest MANIRUMVA et soulevés par diverses sources.

Il est notamment question de certains assassinats qui semblent en lien avec cette affaire. Il y a lieu de rappeler celui du capitaine Pacifique Ndikuriyo qui serait mort pour avoir refusé de participer à cet ignoble attentat.

De même ont été évoqués, avec un luxe de précisions, les assassinats d’un certain nombre de personnes ayant pris part, à leur corps défendant, à la mise en œuvre de l’assassinat. Il est aisé de vérifier si ces personnes ont effectivement trouvé la mort et dans quelles conditions. Il est également possible de vérifier leur activité dans la nuit du 8 ou 9 avril. Si ces allégations sont mensongères, une enquête sérieuse permettra de les faire taire. En l’absence d’enquête, le mystère ne peut que renforcer les soupçons. Si elles sont avérées au contraire, il sera possible de progresser vers les responsables et d’établir les liens entre eux permettant d’éclairer sur leur mobile.

Ernest Manirumva détenait des informations sensibles sur des malversations, des détournements et peut-être sur des trafics d’armes. Là encore, seule une enquête explorant toutes les pistes est la meilleure manière de trier le bon grain de l’ivraie et de distinguer la vérité des calomnies.

En attendant, nous exigeons que soit mis en place un mécanisme de protection des témoins pouvant les encourager à faire des déclarations sans crainte pour leur sécurité. Et nous profitons de cette occasion pour appeler ceux qui détiendraient une information à la faire connaître. Le silence ne protège que les assassins et met en danger la vie de ceux qui détiennent dans le secret des parcelles de la vérité.

Nous appelons également les autorités judiciaires à examiner le sérieux des charges qui pèsent sur des personnes détenues depuis plusieurs mois sans qu’aucun indice crédible, jusqu’à preuve du contraire, n’établisse leur culpabilité. La Justice pour Ernest Manirumva ne peut s’accommoder de voir des personnes privées injustement de leur liberté.

Nous attirons également l’attention sur la nécessité de garantir la sécurité des défenseurs des droits de l’homme et des chercheurs de vérité. Il sied de rappeler que dans cette affaire, ceux qui se sont exprimé sans crainte, confiants dans notre justice, nos institutions et notre démocratie, ont rencontré pourtant des difficultés et fait l’objet de menaces. Quelle qu’en soit l’origine, il est du devoir des forces garantes de la sécurité des citoyens de les protéger. Chacun doit avoir conscience que notre pays fait l’objet d’une attention internationale, que seuls ceux qui entretiennent l’impunité et la violence, compromettent nos progrès vers la paix et portent atteinte à l’image du pays.

Chacun doit avoir conscience également qu’un jour ou l’autre, la vérité sera connue. Nous saurons la vérité. Tout le temps qui nous sépare de ce jour sape les fondements de la confiance, de la paix et de la justice. L’exigence de Justice pour Ernest Manirumva va bien au-delà de son seul cas. C’est l’avenir de l’Etat de Droit au Burundi qui est en jeu. Cette cause appartient donc à tous les citoyens.

C’est pourquoi, nous trouverions choquant que cette affaire fasse l’objet d’une récupération politique. Quelle que soit la sincérité du désir de chacun de servir le pays à travers ce combat pour la Justice, il faut se garder, par respect pour sa mémoire, d’utiliser le nom d’Ernest Manirumva à d’autres fins et notamment pour servir d’argument dans la compétition électorale. Cette cause est l’affaire de tous, elle ne peut être confisquée.

Au moment de conclure, nos pensées vont à nouveau vers le souvenir d’Ernest Manirumva, vers sa famille éprouvée par le deuil et la douleur et vers tous ceux qui souffrent encore rien que pour avoir voulu contribuer à la recherche de la vérité. Cette pensée, comme l’espoir de voir le Burundi progresser vers des temps de justice et de paix, nous permettent de vous assurer que nous n’abandonnerons pas ce combat tant qu’il n’aura pas abouti.

***


Rappel:

La société civile s’est immédiatement mobilisée pour obtenir la vérité sur l’assassinat d’Ernest MANIRUMVA.

-une lettre ouverte a été adressée le 14 Avril 2009 au Président de la République. Elle a été publiée le 16 Avril 2009 au cours d’une conférence de presse organisée à cet effet.

-une marche pacifique a été demandée, autorisée avant d’être reportée sine die par le Maire de la Ville de Bujumbura le 29 mai 2009.

-Deux mois plus tard, constatant la défaillance des deux 1ères commissions mises en place, une campagne baptisée « Justice pour Ernest MANIRUMVA » a été lancée avec une série d’activités à la date du neuf de chaque mois.

-Depuis, le 9 de chaque mois, une messe est célébrée à la mémoire d’Ernest Manirumva.

-Chaque manifestation publique de la société civile débute par une minute de silence.

Source:FORSC

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