jeudi 8 avril 2010
Le chantier inachevé de l’éducation primaire et secondaire !
Au cours de cette semaine, les journalistes du Pool PACAM produisant le magazine radiodiffusé et les articles de la presse écrite du programme hebdomadaire « Mbariza ntore », lancent leur douzième production.
Le thème de la semaine concerne le secteur de l’enseignement primaire et secondaire et plus particulièrement les conséquences de la réforme relative à la gratuité de la scolarité de base. De nombreux problèmes qui surgissent dans ce secteur appellent des solutions concrètes et rapides.
Pour en savoir plus, les journalistes du réseau PACAM ont contacté différents groupes de la société burundaise concernés par le système éducatif. Les parents, les enseignants, des responsables du secteur au sein du ministère ainsi que des élèves ont exprimé leurs points de vue sur la situation très préoccupante de l’école primaire et secondaire au Burundi.
Les personnes interrogées par les journalistes reconnaissent toutes que la qualité de l’enseignement n’est plus ce qu’elle était dans le passé. Elles estiment que depuis plusieurs années, le secteur de l’enseignement est mal organisé. Elles signalent qu’aujourd’hui, par exemple, les effectifs des élèves ont augmenté suite à la mesure présidentielle de gratuité scolaire. Mais le recrutement de nouveaux enseignants n’a pas suivi.
Par conséquent, déclarent tous les interlocuteurs, les salles de classe sont surpeuplées. A telle enseigne qu’un banc peut être partagé par 3 à 4 écoliers et une classe compter jusqu’à 120 élèves. Les maîtres ne parviennent plus à identifier les difficultés éprouvées par chaque élève et à assurer un suivi pour chacun.
Malheureusement, soulignent les personnes interrogées, les maîtres sont même contraints à accorder des notes à des élèves qui ne les méritent pas afin que ceux-ci avancent de classe malgré leur faible niveau. Sinon l’engorgement créé par de trop nombreux redoublants créerait une paralysie de tout le système de l’éducation primaire et secondaire et même de l’enseignement supérieur.
La surpopulation des salles de classe constitue la source majeure des disfonctionnements scolaires.
Une enseignante de Kayanza, interrogée par les journalistes du Pool PACAM indique que les effectifs relevés dans les salles de classe constituent une des causes de la détérioration de la qualité de l’enseignement au Burundi. « Dans les différents localités du pays, 3 ou même 4 élèves partagent un seul banc d’école et un seul livre. Cela favorise la tricherie et l’enseignant ne parvient plus à identifier les élèves de faible niveau afin de les aider à mieux comprendre la matière enseignée. Plus ils sont nombreux, plus ils sont distraits », ajoute l’enseignante qui déplore « que la multiplication des salles de cours ne soit pas accompagnée par le recrutement de nouveaux enseignants et par la fourniture du matériel didactique suffisant. »
Pour le cas du matériel didactique, un enseignant de l’école primaire de Rusengo, en commune Gashikanwa de la province Ngozi, signale que les autorités de ce pays n’honorent pas toujours leurs engagements. « Nous attendons depuis très longtemps des livres d’anglais et de kiswahili qui ont été promis par des autorités et seules les classes de la 1ère et de la 2ème année en disposent », déclare-t-il.
Pour sa part, le directeur de l’enseignement provincial à Ngozi, M. Constantin Niyonzima, indique « que la qualité de l’enseignement au Burundi est affectée par les grèves à répétition qui réduisent sensiblement la durée des cours. En outre, il déplore que « le problème des grèves ne fait qu’empirer la situation. Car les écoles du primaire construites manquent cruellement de pupitres et de livres. »
Pour les écoles secondaires, M.Niyonzima signale un manque d’enseignants qualifiés et de laboratoires permettant aux élèves de faire des travaux pratiques. Pour Roger Gateretse, président du comité des parents au lycée du Saint Esprit à Bujumbura, « même les enseignants ne sont pas tous bien formés et certains ne peuvent même pas dispenser correctement les cours », déclare-t-il.
« A titre d’exemple, poursuit-il, la plupart des étudiants terminent l’université sans pouvoir s’exprimer correctement ni en français ni en anglais. Mais cela n’empêche pas qu’ils soient affectés dans l’enseignement après avoir eu leur diplôme de licence. On trouve même des enseignants qui ont un niveau académique inférieur à la licence surtout dans les collèges communaux », martèle M. Gateretse.
Madame Fredianne Nizigiyimana du syndicat STEB confirme la carence d’enseignants compétents, évoquée par Roger Gateretse. Pour elle, « on oriente dans les sections préparant les futurs enseignants, des élèves qui ont un niveau trop faible.Dans les salles de classe, ils sont très nombreux, ajoute-t-elle. Pire encore, ils suivent des programmes qui ne sont pas adaptés aux réalités du moment. »
Pour une enseignante de la commune urbaine de Cibitoke qui donne cours depuis 1974, « les programmes d’aujourd’hui contribuent aussi à baisser le niveau des élèves parce qu’ils ne sont plus adaptés à la situation actuelle. Ensuite, ajoute-t-elle, on a introduit à l’école primaire plusieurs langues – le kirundi, le français, l’anglais et le kiswahili - que l’enfant doit apprendre en même temps alors que son cerveau n’est pas du tout à la hauteur. »
L’enseignante de la commune urbaine de Cibitoke rappelle également « le cas des salles de classes surpeuplées et le manque du matériel didactique, notamment les livres et les pupitres. A notre époque, souligne-t-elle, aucune classe ne pouvait compter plus de 36 élèves et 2 élèves partageaient un seul pupitre. Comme on était peu nombreux, cela permettait à nos enseignants de nous évaluer facilement. », précise-t-elle.
Cette enseignante indique en guise de conclusion que « les enseignants ne sont pas motivés non plus parce qu’ils touchent un salaire de misère. En 1974, indique-t-elle, je touchais 4.916Fbu et je parvenais à nouer les deux bouts du moi et à construire une maison. Par contre, aujourd’hui, certes le salaire a augmenté en termes de chiffres. Cependant, il ne me permets pas de couvrir les besoins essentiels d’une famille » conclue-t-elle.
Des réformes scolaires qu’il convient de saluer malgré tout
« La mesure de gratuité scolaire au niveau primaire prise par le président de la République lors de son investiture en 2005 est salutaire », affirme Mme Frédiane Nizigiyimana du Syndicat des Travailleurs de l’education au Burundi (STEB). Elle rappelle que cette mesure a permis tout de même à beaucoup d’enfants qui ne parvenaient pas à payer le minerval d’accéder à l’enseignement.
En 2004, par exemple, selon les données statistiques du ministère de l’éducation nationale, la province de Ngozi avait un taux brut de scolarisation au primaire inférieur à 60&percnt. Aujourd’hui, ce taux a sensiblement augmenté.
Néanmoins, Mme Nizigiyimana estime « que l’objectif du président Pierre Nkurunziza n’a pas réussi totalement puisqu’on n’a pas pensé aux mesures d’accompagnement. Par exemple, poursuit-elle, les effectifs des écoliers ont sensiblement augmenté mais ceux des enseignants ou le nombre des livres par classe n’ont pas suivi la même progression. »
Pour Mme Frédiane Nizigiyimana, « les élèves ne peuvent plus se familiariser avec la matière apprise et l’enseignant ne parvient plus à s’occuper de tous ses écoliers en raison du nombre excessif d’élèves par classe. » Même un élève de Kayanza interrogé par les journalistes du Pool PACAM a émis le souhait « qu’un jour le gouvernement organise des cours du soir.
Un autre parent d’élève de Kayanza salue la mesure présidentielle, mais la nuance en tout petit peu. « Les frais de scolarité sont pris en charge par le gouvernement en partie, indique-t-elle. Car nous devons acheter des cahiers, des uniformes et payer d’autres frais occasionnés par certaines interventions urgentes.»
Des solutions pour rétablir un enseignement de qualité.
La chargée des programmes au Centre de Formation et de Perfectionnement Professionnel (CFPP Nyakabiga), Mme Renilde Ndayisenga, suggère au gouvernement d’accorder un budget consistant aux écoles de métiers afin « qu’elles repêchent plusieurs élèves qui ne sont pas en mesure de poursuivre l’enseignement général héorique. Elle recommande également « de réadapter les programmes dispensés dans son établissement pour permettre à ses lauréats de s’adapter facilement aux conditions de travail lorsqu’ils sont embauchés dans une entreprise après leur scolarité. »
Convaincue que les écoles de métiers sont indispensables, Mme Ndayisenga sugère à l’Etat burundais de « débloquer un budget destiné à la construction d’autres locaux au sein du CFPP-Nyakabiga afin que ce centre puisse ouvrir une section A2. Aujourd’hui, ce centre délivre uniquement les diplômes A3 professionnel, conclue-t-elle.»
Pour M. Roger Gateretse, « l’intégration du Burundi à la Communauté Est-Africaine, exige que les pouvoirs publics s’engagent à préparer les jeunes générations et s’assurent que chaque langue enseignée, par exemple, soit bien assimilée avant d’en entamer une autre. » Il propose en outre « le recrutement de gens compétents même parmi les retraités. Pour ces derniers, il y aurait moyen de les recruter avec un statut spécial qui permettrait notamment que leurs honoraires soient proportionnels aux heures prestées. La multiplication d’exercices d’application en classe, ajoute-t-il, et celle d’exercices concrets en laboratoires pour les travaux pratiques à l’école secondaire constituent aussi un autre atout majeur pour rétablir la qualité de l’enseignement au Burundi. »
Pour Mme Frédiane Nizigiyimana, « il faudrait que les pouvoirs publics fassent comprendre à la Banque mondiale que le secteur de l’enseignement doit couvrir une part considérable de la masse salariale du Burundi puisqu’il y a beaucoup d’enfants à scolariser. Sinon, estime-t-elle, les enseignants déjà recrutés sont débordés et ce sont les enfants qui en paieront les conséquences. »
L’enseignant de Gashikanwa déjà évoqué plus haut estime, pour sa part, « que le rétablissement de la qualité de l’enseignement proviendra aussi de la revalorisation de l’enseignant surtout en lui attribuant un salaire lui permettant de joindre les deux bouts du mois. »
Par ailleurs, « les programmes des sections pédagogiques doivent être réadaptés, estime-t-elle, parce que personne ne peut dispenser des matières qu’il ne maîtrise pas », souligne-t-elle. Pour le cas des langues enseignées à l’école primaire, notamment, Mme Nizigiyimana rappelle que « les études des psychopédagogues proposent un décalage dans l’apprentissage des langues. Par exemple, entamer la première langue étrangère au niveau de la 3ème année primaire, la seconde en 7ème et la troisième en 10ème année. »
En guise de conclusion, les parents, les enseignants et les responsables du ministère de l’enseignement primaire et secondaire sont unanimes pour confirmer que la qualité de l’enseignement risque de se détériorer à grande vitesse au Burundi. En raison notamment de la mauvaise planification des réformes scolaires observée dans ce secteur et au manque de coordination des mesures d’accompagnement de la mesure de gratuité de la scolarité primaire, une réforme fondamentale et bénéfique pourtant mais que les pouvoirs publics ont lancée sans avoir effectué une étude préalable de faisabilité de cette mesure qui aurait pu être appliquée par paliers progressifs.
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