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vendredi 30 juillet 2010

Burundi : l'opposition rejette "les institutions issues de mascarades électorales"

DECLARATION AU SUJET DES ELECTIONS LEGISLATIVES DES 23 et 28 JUILLET 2010


1. Après le holdup électoral du 24 mai dernier, les partis regroupés au sein de la Coalition ADC-IKIBIRI ont demandé l’annulation des résultats des élections communales, la révocation de la CENI pour manquements graves et l’ouverture d’un dialogue pour mettre en place les conditions d’élections libres, honnêtes et transparentes. Le Chef de l’Etat à qui plusieurs correspondances de l’opposition ont été adressées a fait la sourde oreille et a sciemment laissé une situation sociopolitique pourrir, seulement parce que celle-ci l’arrangeait en même temps que son parti politique, le CNDD-FDD.

2. L’usage de la force pour régler un différend politique aggravé par le refus de dialogue entre les partenaires politiques, est devenu monnaie courante. Les membres des partis de l’opposition formant l’ADC-IKIBIRI sont quotidiennement malmenés, arbitrairement arrêtés et fréquemment emprisonnés et subissent des tortures dégradantes, tandis que des dizaines d’autres sont victimes d’exécutions sommaires.

3. C’est dans un climat politiquement tendu et délétère que les élections présidentielles et législatives, toutes illégales se sont déroulées, élections marquées par une très faible participation des électeurs. Selon la Mission d’Observation de l’Union Européenne, la moyenne du taux de participation aux élections législatives tourne au tour de 53%. Et si la CENI qui est habituée à manipuler les chiffres proclame officiellement un taux de participation de 66%, il y a lieu de donner raison à l’estimation de la Mission d’Observation de l’Union Européenne.

Sachant qu’il y a eu beaucoup de cas d’intimidation pour que les populations aillent voter par force ou par terreur, les triples et quadruples votes qu’opèrent les gens manipulés du parti au pouvoir ainsi que les manipulations des chiffres constatées ici et là, il est évident que plus de 50% de nos citoyens ne se sentent par rassurés par ces institutions issues des différentes mascarades électorales auxquelles ils n’ont pas participé.

Quant aux élections des Sénateurs, des bricolages de la loi ont eu lieu pour qu’il y ait élection des Sénateurs dans les provinces où les conseils communaux ne sont pas au complet, et le Président Nkurunziza lui-même a violé l’article 100 de la Constitution en participant aux élections des Sénateurs en commune Mwumba en tant que membre du Conseil communal de cette commune. Sa fonction de Président de la République « est incompatible avec toute autre fonction élective », tel que le stipule l’article 100 de la constitution.

Ayant déjà triché précédemment les élections communales, il était prévisible que, si rien n’était fait pour reprendre le processus électoral, le parti CNDD-FDD allait se tailler la part du lion aux sénatoriales.

Les résultats issus des élections tant législatives que sénatoriales confirment ce que prédisait l’ADC-IKIBIRI dans ses différentes déclarations et prises de position : le grand risque et la responsabilité historique que prenaient la CENI et le pouvoir de replonger le pays dans un système monopartite dictatorial aux lourdes conséquences. L’entêtement du Chef de l’Etat et de la CENI, le soutien et la bénédiction de certains membres de la Communauté internationale apportés à un processus électoral biaisé… viennent de faire reculer le processus démocratique burundais d’au moins toute une génération. Avec un parti CNDD-FDD qui, lui seul et ses alliés, détiennent plus de 81% des sièges à l’Assemblée Nationale et plus de 90% au Sénat, adieu la démocratie, les portes sont grandement ouvertes pour bricoler la constitution et remettre en cause tous les acquis de la démocratie ; re-bonjour la dictature ! Mais la Coalition ADC-IKIBIRI veille et veillera, elle n’acceptera jamais un retour au statu quo ante.

De ce qui précède, les partis membres de l’ADC-IKIBIRI tiennent à informer l’opinion tant nationale qu’internationale de ce qui suit :

1. L’ADC-IKIBIRI a tout fait pour éviter de replonger le pays dans une situation d’un avenir incertain pour le Burundi mais s’est heurtée à l’entêtement du pouvoir en place et de la CENI. L’Alliance n’a pas participé aux successives mascarades électorales parce qu’elle ne voulait pas cautionner un processus électoral biaisé et sans issu, qui risque de diviser les citoyens burundais.

2. L’ADC-IKIBIRI réitère sa position de ne pas reconnaître les institutions issues de ces dernières mascarades électorales.

3. La coalition ADC-IKIBIRI fait remarquer à l’opinion tant nationale qu’internationale qu’elle a derrière elle, plus de la moitié de la population burundaise : en témoigne le faible taux de participation aux deux scrutins précédents. Elle en profite d’ailleurs pour remercier vivement tous les membres et sympathisants de l’Alliance qui, malgré l’intimidation, ont respecté le mot d’ordre de ne pas se rendre aux urnes.

4. L’ADC-IKIBIRI tient à rappeler que son combat est politique ; il n’est pas fondé sur la recherche d’un job ou d’un salaire tel que le chantent, jour et nuit, les ténors de ce régime dans les médias. Les leaders de l’ADC-IKIBIRI ne veulent qu’un espace d’expression libre, le recouvrement des droits politiques et privés de tout Burundais ainsi que le bien-être social de tous les citoyens.

5. L’ADC-IKIBIRI tient à mettre en garde les soi-disant institutions élues dans des conditions controversées, qu’elles ne pourront pas gérer un peuple qui ne se reconnaît pas en elles. L’usage de la force, telle qu’on le constate aujourd’hui, ne fera qu’exacerber le conflit déjà existant et conduira le Burundi dans une situation peu contrôlable. L’ADC-IKIBIRI reste ouverte pour la recherche d’une solution durable et pacifique pour remettre sur les rails le processus électoral en panne depuis le 24 mai 2010.

6. L’ADC-IKIBIRI exige, pour la énième fois, la libération sans condition de tous les militants de l’opposition injustement incarcérés ainsi que l’arrêt immédiat des violations des droits civils et politiques des leaders et militants de l’opposition.

7. L’ADC-IKIBIRI réitère sa bonne foi dans la recherche pacifique d’une solution durable aux problèmes sociopolitiques burundais. Elle demande à la Communauté Internationale ainsi qu’aux Corps diplomatiques accrédités au Burundi, de s’impliquer énergiquement pour que le pays ne retombe pas dans une crise politique plus profonde que celle que nous vivons actuellement.

Fait à Bujumbura le 29 juillet 2010

Pour l’ADC-IKIBIRI

Léonard NYANGOMA

Porte-parole

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