Il y a dix ans, les Burundais, sous la houlette de l’Initiative régionale pour le Burundi, avec l’appui de toute la communauté internationale, ont signé un accord de paix qui a jeté les bases de gouvernement du pays. Il s’agit d’un accord qui a abouti après des années de guerre entre les Forces gouvernementales et différentes factions rebelles.
Lors de la signature après des tractations de longue haleine, deux principaux mouvements rebelles de l’époque à savoir les FDD et les FNL n’avaient pas encore regagné la table des négociations. Il a fallu attendre deux ans pour que le CNDD-FDD dirigé par le Président Nkurunziza se décide enfin à signer les accords de cessez-le-feu et s’astreindre aux clauses des accords d’Arusha. Le FNL alors appelé PALIPEHUTU-FNL sera obligé par les Chefs d’Etat de la sous-région pour rejoindre le bercail et déposer les armes en 2008.
Des institutions issues des Accords d’Arusha dirigent le pays depuis et le document y relatif vient en second lieu après la Constitution de la République. Cet Accord consacre une gouvernance fondée sur un partage chiffré des postes de responsabilité en fonction de l’ethnie et du genre. En effet, lors de ces accords, les Burundais ont appréhendé les maux du pays comme « un conflit politique à caractère ethnique », d’où les balises d’une représentation politique de toutes les tendances possibles. Un accent fut marqué en ce qui concerne les corps de sécurité où les hutus et tutsis se côtoient à fifty-fifty. La question de ce domaine est perçue comme la pierre angulaire qui a alimenté le conflit burundais.
De ces négociations est née la nécessité de réécriture de l’histoire du Burundi, les parties en négociation estimant que les écrits sur l’histoire du Burundi dans ses phases douloureuses semblent tronqués. Sur cela, la communauté scientifique burundaise a rejeté la stature que les politiques voulaient donner à ce projet. En effet, pour les historiens de l’académie burundaise, l’histoire est unique, personne ne peut l’inventer ou l’adapter aux volontés politiciennes. Les faits sont les faits et l’histoire officielle n’existe pas. Ce projet n’a jamais été exécuté et aujourd’hui, personne ne semble en revendiquer l’effectivité.
Les accords d’Arusha gardent le mérite d’avoir tracé un chemin pratique vers la réconciliation des Burundais qui le considèrent comme un compromis temporel permettant de sauvegarder la paix retrouvée. Mais, comme toute médaille a son revers, les clauses d’Arusha ont véhiculé une vision de gouvernance fondée sur des quotas uniquement, reléguant l’élitisme et l’excellence au second plan. Les conséquences sont lourdes sur tous les plans : pratiquement, d’autres textes clés sont fabriqués dans les bornes de l’Accord d’Arusha, comme le Code électoral, l’agrément des partis politiques ainsi que des nominations des cadres politiques. La hantise des chiffres ou quotas rend aveugle dans l’élaboration des critères de participation par exemple des représentants du peuple, ainsi, aucun article du Code électoral ne pose pas de limites quant au niveau scolaire d’un député alors que son vote ou non d’une loi occasionne de lourdes conséquences pour tout le peuple. Ce qui importe, c’est son identité ethnique et son dévouement aux causes du parti qui l’a mandaté. En effet, les mouvements rebelles ont revendiqué l’ignorance de ce critère de niveau culturel, estimant que leurs membres n’ont pas eu le temps de continuer les études à cause des injustices qui les ont poussés à prendre les armes. Les listes bloquées encore en vigueur dans l’établissement des listes électorales respectant l’équilibre hutu-tutsi-femme trouvent leur origine à Arusha, mais, les mobiles qui ont poussé les parties en conflit d’adopter ce mode électoral tiennent-elles encore dix ans après ? A-t-on évalué les conséquences de ces listes dans la gouvernance de ce pays sur le plan démocratique ? En effet, la population dispose des marges de manœuvres légalement limitées dans le choix des individus qui sont appelés aux commandes d’une part, et d’autre part, les élus feront plus allégeance à ceux qui les ont mis sur les listes qu’à la population qui les a élus.
Les comportements actuels des élus et des détenteurs de l’autorité publique font réfléchir sur la nécessiter de revoir l’impact de l’Accord d’Arusha et son actualisation.
Un mandataire politique qui sait que la population n’a pas une mainmise sur ses actes commet plus de dégâts qu’il ne rend service. Son souci, c’est d’entretenir une bonne relation avec celui qui l’a nommé dans un rapport de clientélisme et de soumission aux normes de la boîte qui décide la pluie et le bon temps du peuple.
Ailleurs comme en Suisse, les listes boquées existent mais le législateur a pris les précautions de sauvegarder le droit du peuple d’élire qui il veut : il y a possibilité de retrancher un nom sur la liste ou d’en ajouter si l’on estime que c’est nécessaire. Ainsi, chacun a ses marges de manœuvre, que ça soit du côté des états-majors des partis politiques ou du côté de la population. L’important que l’on signale ici est la révision de ces clauses légales qui maintiennent un peuple dans la minorité comme dans le temps de la colonisation qui estimait que les Africains sont « des grands enfants à éduquer. »
Les médias viennent de signaler un cas d’un député de la circonscription de Kirundo qui aurait dirigé des émeutes entre les jeunes du parti CNDD-FDD et ceux des FNL. Si les enquêtes déterminent sa culpabilité dans cette situation, rien ne pourra l’empêcher de faire partie des prochaines listes électorales si son parti estime satisfait par ses allégeances. La cause est l’absence des balises pour donner au peuple la possibilité de trier les futurs élus, effet des listes bloquées dont la source légale est l’Accord d’Arusha, encore immuable dans la direction de ce pays. Mais, jusqu’à quand ?
Au lieu de mettre en avant de l’excellence, de l’éthique et d’autres valeurs dans l’attribution des responsabilités politiques, l’on dirait qu’au Burundi il y a une certaine cécité qui frappe les hauts décideurs chaque fois qu’il est question de partager le gâteau. Est-ce la pauvreté qui est source de tentation pour la promotion de « la politique du ventre »tel que les Politologues le dénoncent ? En tout cas, il est temps que les Burundais revoient les assises légales sur lesquelles reposent les institutions de la République et les harmoniser avec les véritables besoins du pays.
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